Serge

Cinq raisons de regarder la Copa América au Chili

Neymar pendant la Coupe du monde 2014
Neymar pendant la Coupe du monde 2014

Ouf ! On y est ! La grande bataille américaine a commencé jeudi dernier à Santiago do Chile comme on aime le dire du côté de Rio. Michelle Bachelet est plus Merkel que Merkel, les argentins sont fidèles à eux-mêmes, ils envahissent votre pays pendant une compétition et à la fin du tournoi, ils pleurent tous comme des bébés; David  » la Tour Eiffel » Luiz est fidèle à ses stats: une bourde par match. Bref, bienvenidos en Chile !

L’Amérique du sud s’endort bien tard ces temps-ci avec cette Copa América pleine de passions et de rivalités: entre Messi et Tévez… entre Neymar et Messi… entre Cavani et le fantôme de Suarez. On se régale, on voit des grands joueurs totalement investis dans ce qu’ils font contrairement aux Bleus de Deschamps « la dèche ». Voici donc mes cinq raisons très subjectives de regarder cette Copa América qui est partie pour rentrer dans l’histoire.

Mais avant de poursuivre, voyez plutôt la sympathie de « mamie » Bachelet…

5. Les stats de David « la Tour »

Il est fidèle à lui-même, David Luiz, avec cette stat qui le poursuit depuis le début de sa carrière et qui lui a coûté sa place à Chelsea (on ne badine pas avec Mourinho…). Le brésilien du PSG nous gratifie systématiquement d’une bourde par match. La dernière en date face au Peru et ce but cadeau pour les coéquipiers de Paolo Guerreiro.

Heureusement pour lui, Neymar était là pour recoller les morceaux mais la presse brésilienne lui a dirigé quelques avertissements. On lui demande surtout d’être plus sérieux, ou plutôt de ne pas prendre trop au sérieux le slogan « Je suis Paris », ou « Je suis la tour »car on sait que deux petits ponts sont vites passés…

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4. Messi vs Tévez

On les dit réconciliés depuis un dîner à Milan alors que la pulga y rencontrait son nutritionniste personnel, mais le premier match de la selection argentine augure un sombre destin pour les hommes del « Tata Martino » , le tintin des entraineurs. Des changements douteux qui sentent la politique politiciennes plus que les nécessités tactiques qu’impose une rencontrer de ce niveau, le public qui scande le nom de Carlito « Apache fuerte » Tévez, et non pas celui de Messi. Bref, on demande à voir une équipe, et jusque là, on a surtout vu des individualités déconnectées les unes des autres.

3. Neymar, l’artiste

Neymar est-il déjà plus fort que Cristiano Ronaldo? En tous les cas, plus fort que Benzema, c’est une certitude. Mais passons. Parfois les mots ne suffisent pas pour exprimer certaines choses, donc allons-y en images et à la fin dites-moi si Neymar est déjà plus fort que Cristiano:

2. Une Copa América vraiment américaine

Elle déchaîne les passions, cette Copa. On se régale franchement malgé les problèmes d’organisation, comme ce double retard (15 minutes avant les deux mi-temps) lors du premier match, le manque de ralenti sur certaines actions (tiens, comme à la CAN…), et notamment pas de ligne jaune numérisée sur les hors-jeu. On sent bien que les organisateurs veulent à tout prix éviter les polémiques… mais on s’en moque franchement. Sans une dose d’improvisations, il serait impossible de parler d’Amérique Latine, n’est-ce pas?

Et puis, les couleurs. Oui, les colombiens sont bien là avec leur propre mur jaune, les « miss copa » aussi, ces belles muses qui volent la vedette aux stars du ballon rond grâce à d’autres types de rondeurs… si, si.

Et puis, il y a James Rodriguez. Comme on l’aime ce James. Non seulement il est beau, mais en plus sa patte gauche est absolument magique. Et aussi ce pauvre Cavani. Il mène son propre combat contre le fantôme de Luis Suarez. Pourvu qu’il trouve un jour le cadre…

1. Alexis Sanchez, la petite merveille

Les médias vous parlent de Messi et de Neymar, mais si vous aimez voir le football joué avec passion, rage et une belle palette de technique, suivez Sanchez, el niño maravilla… Alexis Sanchez respire le foot, aucun autre footballeur ne joue avec la même envie que le chilien d’Arsenal, il est tout simplement extraordinaire et injouable en un contre cinq…

(voir à partir de 3’48 »)

Et si vous n’aimez pas trop le foot, pas de problème, cette vidéo fera de vous un éternel fan d’Alexis:

Bonus:

– Parce que CR7 ne la joue pas

– Parce que Dilma Rousseff ne se fera pas huer

– Parce que sans les allemands, aucune chance de revoir un 7-1

– Parce que sans Karim Benzema et Prince Boateng, pas de tweets publiés par la chanteuse Rihanna.

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Comment les femmes sont devenues plus méchantes dans les télénovelas

 

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C’est un phénomène typique d’une époque qui exige bien une analyse ici. Les femmes sont de plus en plus méchantes dans les télénovelas brésiliennes (feuilletons tv de soirée). Contrairement au désormais cultes « Hommes difficiles » des séries US, la télévision brésilienne mise sur le côté obscure de la femme. Tentative d’analyse.

Les spécialistes de la télévision américaine, Emily Nussbaum (@emilynussbaum) du New Yorker en tête, se plaignent de l’absence de personnages féminins importants dans la dernière décennie pourtant définie comme celle du Troisième Age d’Or de la Télévision américaine. Brett Martin, auteur d’un ouvrage de référence en la matière y voit une marque de l’époque inséparable de la personnalité des principaux showrunners américains. Le Troisième âge d’or de la télévision américaine a essentiellement porté sur des « Hommes Difficiles ».

Lire aussi Pourquoi aime-t-on les hommes tourmentés? 

Crédit: @cariocaplus
Crédit: @cariocaplus

Au Brésil, la chaîne de télévision Globo accorde beaucoup d’importance aux femmes, mais cette fois, dans les « mauvais rôles ». J’ai surtout remarqué que depuis 2008, bon nombre de télénovelas ont eu pour protagoniste principale une femme diaboliquement manipulatrice et eventuellement assassine.

La série A Favorita fut, à mon avis, un point d’ancrage. Elle coincidait avec l’année de mon installation à João Pessoa, et je peux vous dire que c’est la série que j’ai suivie avec le plus d’intérêt en bientôt 8 ans de « vie brésilienne ». Cette télénovela misait sur la dualité de la femme, le ying et le yang en conflit, le bien et le mal dans un duel interminable

Mais c’est bien la qualité des personnages qui frappe en comparaison avec les séries américaines. Plus tard, c’est dans une télénovela ayant eu un succès international que l’on retrouve une femme centralisant l’attention et surtout le don de la méchanceté.

La Carminha d’Avenida Brasil est un archétype. Ne vous laissez pas berner par ce joli prénom qui rime avec Djalminha, Ronaldinho (!)… Carminha est un monstre! Elle a marqué cette deuxième décennie du 21° siècle. Après elle, toutes les « méchantes » ne sont plus que des pâles caricatures. Cela est d’autant plus paradoxale que sa méchanceté était une garantie du succès auprès du public. Celui-ci étant majoritairement composé de femmes, peut-on dire qu’un tel personnage d’autorité et pouvoir (même négatif) reflétait l’image de ce que les brésiliennes souhaitaient être?

Ce court extrait me permet de rebondir sur une autres question. Pourquoi les femmes noires et pauvres sont systématiquement décrites comme des victimes? Est-ce là le rôle définitif qu’est appelée à assumer la femme noire dans la société brésilienne: celui d’une pauvre victime consentante?

Je ne dispose malheureusement pas d’assez d’éléments pour répondre à cette question. Le fait est que ce motif se répète en 2015 dans une autre télénovela diffusée par Globo, I Love Paraisópolis. La même scène se répète, une femme noire, doméstique – normal (!) – est constamment rabaissée par sa maîtresse blanche. La société esclavagiste est loin d’être morte on dirait.

Pour autant, ce portrait de la femme brésilienne par les télénovelas est-il réaliste? La télévision est-elle entrain de construire au forceps une image de la femme rebelle?  Cette image d’une femme cruelle portée sur le petit écran a-t-elle une résonance dans la société? La femme riche (donc blanche) est-elle forcément diabolique?

C’est là un détail important aussi. Le Brésil est un pays profondément catholique avec ces dernières années une augmentation décisive des mouvements évangéliques. Cette représentation quasi biblique (et donc condamnable) de la femme a donc des chances de trouver son public.

Curieusement, l’émergence de ces femmes fatales (littéralement) n’est peut-être pas anodine dans un contexte politique patriarcal où les femmes s’emparent du pouvoir. La télévision joue aussi ce rôle de rupture avec l’image idyllique de la « mère poule ». Les femmes assassinent bien plus que les hommes dans les télénovelas brésiliennes. Beatriz, la nouvelle anti-héroïne qui se distingue dans Babilônia atteint de nouveaux sommets de la « cruauté genrée »…

Conclusion? Bah, réveillez-vous les mecs!

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Bonus: Je poste une vidéo pour les lusophones qui lisent ce blog; un excellent documentaire sur la présence des noirs dans les télénovelas brésiliennes. Un thème qui mériterait un billet à part… un jour prochain, je l’espère. Il y aurait tant à dire, sur les actrices noires, les acteurs noirs aussi, car chacun des sexes a eu un traitement particulier.

A Negação do Brasil – O Negro nas Telenovelas Brasileiras from Ronaldo Coutinho Pereira on Vimeo.

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La crise humanitaire des Haïtiens de São Paulo

Ici, des Haïtiens au Acre avant d'être transférés à São Paulo - crédit photo: Luciano Pontes / Secom | wikimedia commons
Ici, des Haïtiens à l’Acre avant d’être transférés à São Paulo – crédit photo: Luciano Pontes / Secom | wikimedia commons

Chers lecteurs, je reviens enfin de mon court séjour dans la capitale économique du Brésil, São Paulo, où j’avais des démarches personnelles à mener. J’en ai profité pour porter un nouveau regard sur ce Brésil et essayer de comprendre ce pays du point de vue « des gens du Sud ». Lors de mes passages au centre de São Paulo ou sur l’Avenida Paulista, deux points incontournables de l’immense métropole, je n’ai pu m’empêcher de constater l’extrême pauvreté dans laquelle vivent nos amis et frères Haïtiens. Si je dis « amis et frères », c’est que j’en connais personnellement beaucoup qui vivent à João Pessoa et j’en compte parmi mes amis. Ce sont les personnes les plus éduquées que j’ai rencontrées de ma vie.

Le gouvernement brésilien est connu pour son ouverture et son grand sens d’humanisme. Dans un effort humanitaire et de partage, le Brésil a décidé d’accorder un visa de permanence à tout Haïtien se trouvant sur son sol. Peu importe le niveau scolaire ou social, tous les Haïtiens peuvent désormais être résidents permanents au Brésil. Combien de gens payeraient cher pour ce privilège?

Mais, le Brésil est-il seulement préparé pour ça?

La conséquence d’une telle mesure de « solidarité panaméricaine » est que la frontière du Brésil dans l’Etat de l’Acre subit une forte affluence d’immigrants haïtiens illégaux à la recherche d’une vie meilleure. Qui pourrait les blâmer? N’est-ce pas dans Les Misérables que l’on lit cette phrase lourde de sens: « Mais monsieur le juge, des hommes qui ont  tout perdu, ça existe »?

Et, ils ont vraiment tout perdu en Haïti. Je me souviendrai toujours de ce que m’a dit un jour le vice-consul du Brésil en RD Congo : « Serge, tout homme a le droit de chercher une vie meilleure, même s’il doit le faire en étant un clandestin… » Il faut du courage pour dire ces mots à un jeune Congolais.

J’imagine donc ce qui anime ces Haïtiens qui viennent par milliers au Brésil, ils voudraient sûrement aller aux Etats-Unis, mais l’oncle Sam a fermé ses portes… Ils se contenteront donc du Brésil, faute de mieux. Mais, le problème c’est qu’ils sont loin de se douter que la vie à São Paulo n’est pas faite pour tout le monde. Un vieux dicton brésilien dit : « O Brasil não é para amadores » [Le Brésil n’est pas fait pour les amateurs]. Il faut une certaine pratique, une manière d’être typique,  um jogo de cintura comme ont dit ici.

Une coïncidence du calendrier a voulu que mon séjour à São Paulo tombe justement pendant la semaine où la mairie de São Paulo communique son refus de recevoir plus d’Haïtiens parce que n’ayant pas les structures nécessaires pour recevoir 1000 immigrés en quinze jours.

J’ai donc vu la détresse de ces hommes et ces femmes de tous âges. Un ami congolais me faisait remarquer qu’un Africain décide d’immigrer à un certain âge, disons jusqu’à ses trente ans parce qu’après, il est difficile de recommencer. « Mais un Haïtien vient au Brésil à cinquante ans, des vieilles dames et des vieux messieurs… » m’a-t-il dit.

Ben oui, puisqu’ils ont tout perdu. Mais, malgré tout, rien ne les prépare à ce qu’ils vont voir une fois arrivés au Brésil et particulièrement à São Paulo. Normalement, quand qu’ils sont transférés de l’Acre vers São Paulo, ils restent dans des pensionnats ou dans une paroisse qui les reçoit par centaines. « La cour de l’église est transformée en un salon de coiffure », disait un reportage de la chaîne de télévision Globo. Les filles étalent leurs vêtements sur les mûrs qui encerclent le bâtiment.

Un homme d’une cinquantaine d’années éclate en sanglots en se rendant compte que sa vie ne changera pas au Brésil. Il vient de voir comment vivent ceux qui sont arrivés avant lui.  La ville de São Paulo est devenue leur tombe. Parce que les Haïtiens de São Paulo ne vivent pas comme des êtres humains, ils ne vivent pas comme vous et moi… ce sont des zombies invisibles. Ils errent la journée sans objectifs précis dans le centre de la ville. Il y a une partie de São Paulo qui s’est transformée en un camp de réfugiés.

Mais alors, quand allons-nous appeler un chat un chat ? La situation des Haïtiens de São Paulo a atteint le stade d’une crise humanitaire. Et de mon humble avis, le Brésil n’est plus en mesure de s’en occuper. Il serait temps, à mon avis, d’impliquer les organismes internationaux compétents.

Ce n’est pas l’idée la plus récente de les envoyer à Curitiba, Florianópolis ou Porto Alegre qui changera radicalement les choses. La situation est grave. Très grave. A mon niveau, je ne peux qu’écrire sur ce que j’ai vu. J’espère que ce texte atteindra les personnes compétentes, celles qui sont capables de faire évoluer la situation, ne serait-ce qu’en informant les Haïtiens qui veulent venir au Brésil, attirés par une promesse de réussite. De toute façon même à Rio de Janeiro, ils dorment dans le métro…

Informons-le ! Qu’ils sachent dans quoi ils se mettent. Que ceux qui pourront aider le fassent chacun à son niveau.

Je répète ce que je sais des Haïtiens en général, même si on ne peut pas généraliser : ce sont les personnes les plus charmantes que j’ai rencontrées. Mais la vie ne les a jamais épargnés…

A São Paulo, la population regarde cette triste situation avec une certaine indifférence. Certains Brésiliens commencent à manifester leur ras-le-bol.

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Les cinq péchés capitaux du Brésil

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Un paysan brésilien – crédit photo: Eduardo Amorim | Flickr.com

Chers amis lecteurs, vous m’avez manqué. Je n’ai pas eu le temps de vous « alimenter » en billets ces dernières semaines pour diverses raisons, mais essentiellement parce que je prépare un petit voyage pour la grande ville de São Paulo. Vous avez également remarqué un changement radical du layout de votre « blog brésilien préféré ». Merci donc à Ziad Maalouf, et à toute l’équipe de RFI-Mondoblog qui ont durement travaillé pour une réforme de notre plateforme. Je ne souhaitais pas voyager sans vous laisser de quoi grignoter… j’ai donc décidé d’expliquer quels sont les cinq péchés capitaux d’un Brésil qui n’avance plus. 

1. Son économie rentière

Le Brésil a longtemps navigué sur les bonnes vagues de ses ressources minières, de son pétrole et de sa diversité biologique. Ce modèle présente malheureusement des limites qui tôt ou tard allaient nous exploser à la figure. Premièrement, la récupération des Etats-Unis qui a attiré les investisseurs vers ce pays laissant le Brésil sans cet avantage concurrentiel qui aura duré, allez, disons, quatre ans (2008/2012).

De plus, lorsque vous avez une élite corrompue, des politiques au service des familles les plus riches de l’agronégoce et pas forcément soucieuses de rééquilibrer la distribution des richesses, comme l’observe le politologue André Singer, la tâche devient vraiment trop difficile :

Le lulisme ne s’est pas montré capable, jusqu’ici, de dépasser l’exploration des brèches existantes dans l’architecture néolibérale. Dans des conditions mondiales favorables, il s’est servi, avec une certaine justesse, des espaces non conflictuels pour améliorer la vie des pauvres. […] Cependant, le pas pour devenir un pays de classe moyenne dépendra d’un autre cadre, avec une autre corrélation de forces.

Cliquez ici (PDF) pour une analyse comparative concernant la politique agricole de la France et du Brésil.

2. Le vote obligatoire

Le vote obligatoire dans un pays comme le Brésil n’a aucun sens. C’est la manière la plus simple d’accroître le taux de corruption, d’impunité et ce sentiment que « les politiciens sont tous les mêmes », à mon avis, le premier pas pour qu’un pays s’autorise toutes les excentricités.

3. Des médias non pluralistes

Si le vote obligatoire n’a aucun sens au Brésil comme je le disais dans le point précédent, c’est aussi parce que le Brésil n’a pas un système médiatique démocratique et pluraliste. Or, la liberté de la presse est au moins aussi essentielle que la démocratie elle-même.

J’aime beaucoup l’analyse de Serge July pour qui « la démocratie dépend du nombre élevé de journaux et autres médias ». Une analyse qu’il tire de chez Tocqueville. C’est cette pluralité qui est le garant d’un vrai débat au sein de la société. Mais surtout, sans cette liberté de la presse et la diversité qui l’accompagne, la population n’a plus les balises nécessaires pour exercer « librement » son devoir de vote.

4. L’éducation à la traîne

Le slogan de campagne de la présidente Dilma Rousseff en 2014 était d’un goût très amer pour tous ceux qui en percevaient le cynisme : « Brésil, une patrie de l’éducation ». Vraiment?

crédit photo: Emilayne Souto pour @cariocaPlus
Crédit photo: Emilayne Souto pour @cariocaPlus

Si c’est le cas, comment se fait-il qu’à l’heure où un consensus sur la nécessité d’une période d’austérité s’installe, ce soit sur le budget de l’éducation qu’on décide de couper 37 % d’investissement?

5. Des partis politiques sans leadership

Il y a non seulement un vide politique depuis le départ de Lula da Silva – que voulez-vous, même dans les meilleures démocraties, les gens veulent des messies – , mais c’est surtout l’incapacité de tous les partis politiques à renouveler leurs cadres.

Jusqu’ici, la formule est de faire du neuf avec les anciens ou les « nouveaux anciens ». Je m’explique. La candidate de la gauche radicale lors de la dernière élection présidentielle était Luciana Genro [vidéo], la fille de Társio Genro, ancien ministre et gouverneur du Rio Grande du Sul, poids lourd du Parti des travailleurs (PT). C’était un peu la « divine comédie » de cette campagne. Dilma Rousseff opposée à la fille de son ami… vous avez dit « tous les mêmes »? 

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Des villes rebelles au Brésil

DECRYPTAGE| Beto Richa, le gouverneur – PSDB, opposition – de l’Etat du Paraná (capitale, Curitiba) n’a pas l’air de se soucier des élections municipales qui pointent leurs nez aussi vite que 2015 s’achève. L’homme a la réputation d’être assez rustique. Ces derniers mois, il s’est constitué une notoriété nationale par sa façon de « tenir tête » aux professeurs du système national de l’éducation publique. Au-delà des récents événements qui ont eu lieu à Curitiba, l’impression générale est que le Brésil est une cocotte-minute prête à exploser à n’importe quel moment.

Un internaute a parfaitement exprimé la tragédie que l’on vit au Brésil depuis le début de l’année : « Quand des manifestants demandent l’intervention militaire de l’armée pour mettre fin à la présidence de Dilma Rousseff, la police les traite avec beaucoup d’éducation; mais quand des professeurs exigent une meilleure éducation pour le pays, ce sont les militaires qui interviennent »

N’y voyez aucun jeu de mots gratuit. Les images des professeurs bastonnés par les forces de l’ordre font froid dans le dos : un jeune homme, le front ouvert par une blessure qui descend jusqu’à son nez, une femme montrant des hématomes le long de son bras, la police est passée par là… C’est le chaos à Curitiba. [photos]

Ces images rappellent évidemment celles que l’on voit sur CNN et même sur d’autres chaînes mondiales qui retransmettent les manifestations de Baltimore en direct. Des images témoignant un malaise beaucoup plus profond qu’on ne le croit : il s’agit probablement de la plus grande crise de la démocratie représentative de l’histoire.

Et l’on ne compte plus les villes rebelles dans le monde. Istanbul, São Paulo, Le Caire, Londres, Durban, Buenos Aires, Hong Kong, Baltimore, New York, Rio, Curitiba, Ouagadougou, et j’en passe. Qu’ont donc toutes ces villes en commun sinon leur constante rébellion face à un pouvoir qui ne les comprend plus, qui communique mais n’entend plus?

Les « villes rebelles » sont désormais un phénomène systémique. Il ne s’agit pas ici d’être pessimiste. Au contraire, il y a de l’espoir dans mes propos. Et même en restant fidèle au « pape » de la Realpolitik, Nicolas Machiavel, l’évidence s’impose. Ne lit-on pas dans Le Prince qu’« il est plus prudent d’être du côté du peuple que de celui des gouvernants » ? Il y est tout simplement question d’arithmétique.

Si les gouvernants détiennent effectivement le pouvoir du fait même de leur capacité à s’organiser (en petit groupe), cela constitue également leur grande faiblesse. Car le peuple étant toujours plus nombreux, il prendra souvent le dessus en cas de grande crise…

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Le livre de David Harvey, « Villes rebelles » traduit en portugais.

Depuis 2013, plusieurs villes brésiliennes ont vu exploser des manifestations de colère de la part des populations. La première moitié de 2015 est déjà la plus trouble depuis une décennie.

C’est surtout en 2013 que ces manifestations ont acquis une dimension qu’on pourrait qualifier de structurelle. Cela est peut-être un effet de la crise économique globale qui n’a vraiment atteint le Brésil qu’en cette année-là justement. Et aussi de ce sentiment général que rien ni personne – en tout cas dans le scénario national – n’est en mesure de nous sortir de cet enfer.

Pour autant, cette situation est loin d’être un problème uniquement brésilien. Je l’ai dit plus haut dans cette note, il suffit de regarder ce qui s’est passé en France avec « la Manif pour tous », en Turquie aussi, à Hong Kong, avec la « révolution des parapluies »

Le géographe marxiste, David Harvey, intellectuel habitué du Brésil revient sur cette tendance dans son ouvrage Rebel Cities dans lequel il voit un fil rouge entre les révoltes urbaines de Londres en 2011 et la crise du capitalisme, dont les conséquences s’abattent sur le Brésil en 2015.

L’auteur y voit également un besoin profond venant des peuples de trouver d’autres manières de vivre collectivement – Urban Commons -, et surtout un besoin nouveau de s’approprier entièrement ces villes qui nous échappent et nous étouffent – The right to the city.

https://rota2014.blogspot.com.br/2015/03/dilma-sob-pressao-das-ruas.html
« Le Brésil montre son vrai visage !!! » – Lors d’une manifestation au Brésil en mars 2015

Les raisons de ces manifestations populaires varient beaucoup. Celui qui prétendrait en expliquer les causes est certainement fou. Mais des pistes existent. On sait ce qu’elles veulent dire… et ce qu’elles ne veulent pas dire… Comme l’a expliqué André Barcinski, un blogueur très connu au Brésil pour le site R7, les manifestants exigeaient moins le départ de Dilma Rousseff par une procédure d’ impeachment qu’une lutte plus acharnée contre la corruption.

Le blogueur analyse des chiffres publiés par Datafolha. Voici les raisons pour lesquelles les gens manifestent au Brésil:

– Contre la perte des droits travaillistes (25 %)

– Augmentation des salaires des professeurs (22 %)

– Pour une réforme politique (20 %)

– En défense de Petrobras (18 %)

Quelques jours plus tard, 47 % d’entre eux demandaient la fin de la corruption au Brésil, et seulement 27 % un impeachment contre Dilma Rousseff. 11 % des manifestants seulement se disaient favorables à une intervention militaire, voire à la fin de la démocratie.

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Protesto_no_Congresso_Nacional_do_Brasil,_17_de_junho_de_2013.jpg
Des manifestants se réunissent au Congrès (Brasília 2013) – crédit photo: Valter Campanato/ABr | Wikimedia Commons

C’est par une comparaison assez banale que je voudrais conclure. En fait, les manifestations qui se reproduisent dans le monde ne sont que l’image de nos sociétés dans lesquelles le pouvoir est absolument éloigné du peuple. La politique actuelle ressemble à s’y méprendre au monde du football. Là aussi, des instances du pouvoir complètement débranchées de la base.

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Manny Pacquiao est-il plus influent que Dilma Rousseff ?

Il est une idée reçue (appelons cela comme ça) qui veut que l’Indonésie soit l’une des plus grandes démocraties du monde. Un immense pays qui se distingue en Asie par sa stabilité politique et par l’alternance au pouvoir. Pourtant, ce pays est loin, très loin, de l’idée que je me fais de la démocratie.

Pour s’en convaincre, regardons seulement un cas que je connais assez bien pour l’avoir traité dans un article académique, celui du génocide de 1965 magnifiquement porté sur écran par Joshua Oppenheimer dans un documentaire absolument fascinant… On y comprend assez rapidement que l’Indonésie est en réalité le pays de l’impunité ou de la justice pour certains. Sacrée démocratie en effet !

Oui, je me permets l’emploi de ces superlatifs pour parler de The Act of Killing, sublime fresque cinématographique située entre le fantastique, le moralisme performatif et  le réalisme. Le destin d’Anwar Congo est à découvrir ici :

Mais revenons donc sur le champion philippin Manny Pacquiao… et sur Dilma Rousseff.

Le Brésil et l’Indonésie traversent une période trouble de leur relation. Tout commence avec l’annonce par les médias brésiliens que leur compatriote, Rodrigo Gularte, arrêté pour trafic de drogue en Indonésie sera exécuté : jour et date sont fixés, le pays reste en alerte en attendant une réaction de madame Rousseff. L’occasion pour elle de montrer qu’elle a « la main ferme ».

Dilma Rousseff demande alors au gouvernement indonésien d’épargner la vie de son compatriote. C’est vrai quoi, on n’exécute pas un citoyen brésilien impunément. Quand même.

Eh ben, si. Au diable l’orgueil national des Brésiliens qui se voyaient un peu trop beaux sur la scène internationale. Rodrigo Gularte sera exécuté le 28 avril 2015 non sans avoir laissé une vidéo diffusée par les médias sur lequel on le voit demander pardon à sa mère. Le fils a péché, mais une mère pardonne. Et pourtant, il sera exécuté. Dilma Rousseff, zéro.

Cette semaine, une autre affaire attire mon attention sur Marca.com, un site d’ intox informations sportives en Espagne: Manny Pacquiao, the freak – mais oui, une aberration – demande la clémence du président indonésien en faveur d’une compatriote Mary Jane Veloso elle aussi condamnée à mort. A croire que l’Indonésie veut inventer un nouveau soft power basé sur l’exécution des citoyens étrangers…

Miracle. Le président indonésien promet d’intercéder auprès des autorités judiciaires alors qu’il n’avait pas bronché face aux menaces de Dilma Rousseff de rappeler son ambassadeur. Et bim, une nouvelle claque pour Dilma.

C’est vrai que ce n’est pas tous les jours qu’un champion de boxe en phase de participer au combat du siècle – à ne pas confondre avec le vrai combat du siècle entre Mohamed Ali et Joe Frasier – intervient publiquement en faveur de la vie d’une femme condamnée à mourir. C’est une sacrée publicité pour l’Indonésie.

C’est donc aussi que la voix de Pacquiao vaut mille fois celle de Dilma Rousseff. Il serait peut-être temps que Forbes revoie sa liste des personnalités les plus influentes du monde.

Il y a des jours où on a franchement envie de faire de la boxe…

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P.S : Mary Jane Veleso a obtenu un sursis ce mardi 28 avril 2015

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Billet actualisé le 28/04/2015 à 16 h1 5 heure de Brasília


Cinq raisons pour que Lula ne soit pas secrétaire général de l’ONU

La nouvelle se répand dans les médias brésiliens, Lula da Silva veut être le prochain secrétaire général de l’ONU. Lula le veut, Barack Obama le souhaiterait, on n’en est pas certain. Pourtant l’idée fait son chemin alors que le mandat de Ban Ki-moon s’approche de sa fin. Les chances de Lula ont été analysées ici. En réalité cette hypothèse revient depuis que Lula a quitté la présidence du Brésil en 2010. Je vous propose donc deux articles – publiés en deux temps – sur les bonnes raisons et les mauvaises de cette probable élection. Voici maintenant les raisons pour lesquelles Lula ne doit pas avoir ce poste.

Retrouvez la première partie de ce billet ici.

1. Parce qu’il ne parle pas anglais

Difficile d’imaginer un dirigeant des Nations unies qui ne s’exprime pas correctement dans la langue de Shakespeare. Sachant que les Brésiliens ne sont pas vraiment des passionnés des langues étrangères (tiens, ça me rappelle les Français), on voit mal Lula lire le Bill of Rights du jour au lendemain…

https://en.wikipedia.org/wiki/Bill_of_Rights_1689#/media/File:English_Bill_of_Rights_of_1689.jpg
@ wikimedia commons

Il est très facile de parler Lingala et de convaincre un Brésilien que vous vous exprimez en anglais ou en grec. Sérieusement ! On imagine déjà ce bon vieux Lula prendre de cours du soir « to improve » son anglais. Pas certain que ça marche pour autant.

2. Après lui le déluge

Vous savez cette sensation qui vous prend quand vous avez ingurgité dix-neuf canettes de bière? La gueule de bois qui vous secoue la tête après une soirée trop agitée… c’est un peu « l’effet post-Lula ». Sinon, pensez aussi au choc provoqué par l’hiver qui tombe sur Westeros après neuf années d’un été particulièrement long… Lula, c’est la même chose.

Il n’y a personne qui explique mieux le malheureux héritage du « lulisme » que l’éditorialiste d’ El Pais Brasil, Eliane Brum. Dans un article d’une incroyable virtuosité intellectuelle, l’éditorialiste décortique ce qu’elle nomme « a maldita herança do PT »*, c’est-à-dire, le chaos politique laissé par le PT malgré un bilan positif – voire extraordinaire en matière sociale – , et c’est là tout le paradoxe.

 3. Le Brésil est un poids mouche des relations internationales

 « Le Brésil est un nain diplomatique ». La phrase n’est pas de moi, vous vous en doutez bien. C’est le porte-parole du ministère des Affaires étrangères d’Israël, Yigal Palmor,  qui l’a prononcée après qu’Itamaraty ** a critiqué les frappes israéliennes sur Gaza l’année dernière.

La brutalité des mots employés par ce diplomate ne doit pas nous faire oublier l’essentiel: que le Brésil est réellement « un petit pays » sur la scène internationale. Il n’a jamais joué que des rôles secondaires même sur des terrains où à priori il aurait pu être un acteur majeur, en l’occurrence dans les négociations qui ont mis fin à la crise des missiles sur Cuba. Une historienne russe a confirmé cette version des faits dans un récent ouvrage.

[ Lire aussi le résumé d’un article publié par le MIT Press Journal sur le rôle du Brésil pendant la « crise des missiles »].

4. Parce qu’il pourrait être tenté par la présidence

Quid de la politique interne? La fin du cycle favorable du PT pourrait être une tentation pour un éventuel retour – en force – de Lula da Silva. En effet, on voit mal comment le PT gagnerait la prochaine élection présidentielle. Si tout se passe selon les tendances actuelles, les prochaines élections municipales de 2016 pourraient voir le Parti des travailleurs être sanctionné par leurs anciens électeurs.

D’où la tentation pour Lula de la jouer comme… Putin. Un retour en 2018 ? Pourquoi pas? Encore faudrait-il convaincre les Brésiliens que Lula est (toujours) la solution. Or, son discours est loin de l’esprit fédérateur des années 2000.

Les récentes manifestations au Brésil ont radicalisé les discours de plus en plus clivants… y compris celui de Lula.

5. Parce qu’une femme, ce serait mieux

La cote des femmes augmente chaque semaine. Selon un site anglais très influent, l’une des candidates les plus sérieuses serait Helen Clark. On n’oublie pas non plus, l’ex-ministre bulgare des Affaires étrangères Irina Bokova.

L’idée de « donner » un nouveau mandat à l’Amérique latine n’est pas contradictoire avec la volonté de féminiser » le Palais de verre. Allez, un peu de fraîcheur dans cette tour de cristal… alors, Michelle Bachelet, la présidente du Chili? Pourquoi pas?

Mais, voyons tout cela autrement. Élire Lula Inácio da Silva est quasiment une garantie que tôt ou tard une femme dirigera l’ONU; n’a-t-il pas fait élire une parfaite inconnue à la tête du Brésil ? Lula n’est pas un faiseur de roi, c’est un faiseur de reine. On ne se refait pas…

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* L’héritage maudit du PT

** Ministère brésilien des Affaires étrangères 

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Cinq bonnes raisons pour que Lula soit secrétaire général de l’ONU

La nouvelle se répand dans les médias brésiliens, Lula da Silva veut être le prochain secrétaire général de l’ONU. Lula le veut, Barack Obama le souhaiterait, on n’en est pas certain. Pourtant l’idée fait son chemin alors que le mandat de Ban Ki-moon s’approche de sa fin. Les chances de Lula ont été analysées ici. En réalité cette hypothèse revient depuis que Lula a quitté la présidence du Brésil en 2010. Je vous propose donc deux articles – publiés en deux temps – sur les bonnes raisons et les mauvaises de cette probable élection. Commençons par les bonnes.

 1. Parce qu’il sera le premier Brésilien

Il y a déjà eu deux Africains (Ghana puis Egypte), un Suédois (c’est le tout premier secrétaire général), un Sud-Coréen, un Autrichien (vous le croyez, ça?)  et même un Birman… mais jamais un Brésilien. Pourtant, ce n’est pas que le Brésil manque d’éminentes personnalités. Pelé aurait fait l’affaire. N’est-il pas le premier Noir mondialement aimé au même titre qu’un Blanc ? Même Mohamed Ali n’aura pas eu ce privilège. C’est que Pelé comme Lula est un maître dans l’art de fédérer. OK, pas ces dernières années, n’est-ce pas Pelé ?

Notez aussi qu’un Péruvien a déjà occupé ce poste.

2. Parce que c’est un pauvre… et que ça fait « beau »

Lula est né dans un Etat du Nordeste brésilien, le Pernambouc. A deux heures de chez moi. D’une famille pauvre, il fera toute sa carrière politique dans le Sud-Est, à São Bernardo do Campo, l’une des villes les plus importantes de l’ABC paulista, ce haut lieu de l’industrie de l’automobile.

C’est un peu par hasard qu’il entre dans la politique après la mort de son frère aîné, un leader syndical. La gauche comprend très vite que ce nordestino a un charisme hors du commun et fait de lui son acteur principal pour accéder au pouvoir.

Un film retraçant sa trajectoire politique a même été réalisé il y a quelques années.

Si les symboles comptent, l’élection d’un pauvre à la tête des Nations unies serait très bien vue à l’échelle planétaire. Plus politiquement correcte, tu meurs.

3. Parce qu’il a sorti le Brésil de l’extrême pauvreté

Dilma Rousseff a prononcé la phrase la plus significative de la dernière campagne électorale : « Nous avons sorti 40 millions de personnes de l’extrême pauvreté, une Argentine tout entière ». Et c’est en grande partie grâce au travail de Lula da Silva et à ses programmes massifs de croissance basés sur l’agrandissement d’une classe moyenne consommatrice. Imaginez ce qu’il pourrait faire si l’ONU lui en donnait les moyens…

4. Parce que c’est un très grand négociateur

Dix ans de pacte national et d’union sacrée rompus avec l’arrivée au pouvoir de Dilma Rousseff. Pour être élu président, Lula a dû faire des concessions considérables vis-à-vis des patrons. Il leur a promis des gains inimaginables s’ils le laissaient sortir les plus pauvres (surtout les Noirs) de la misère. C’est tout le sens de sa Lettre ouverte au peuple brésilien. Jamais dans l’histoire du Brésil les banques n’avaient gagné autant d’argent, et jamais les pauvres n’avaient eu un tel accès aux biens de consommation.

Pendant dix ans donc, le Brésil était un grand paradis sur la côte de l’Amérique du Sud. Puis, Dilma Rousseff est arrivée : moins ouverte au dialogue, plus rationnelle que son mentor, elle a vu le climat social se dégrader dans les proportions aussi dramatiques que celles observées pendant la dernière Coupe des Confédérations de la FIFA.

Mais, sur ce quatrième critère, la Bulgare Irina Bokova semble être la mieux indiquée…

5. Parce qu’il donnera une nouvelle image de l’ONU

C’est un fait. Lula est une star mondiale. Le seul président à quitter le pouvoir en plein milieu de la crise économique avec une cote de popularité s’élevant à 80 %. Il défend les pays africains, il a renforcé l’importance politique des Brics, il est intervenu en Haïti… C’est aussi un général brésilien qui dirige les forces onusiennes en RD Congo.

Mais le plus important, le Brésil est un pays pacifiste qui n’a jamais fait la guerre à ses voisins (sauf le Paraguay au 19e siècle). Il est certain qu’avec Lula da Silva, l’ONU gagnera à capitaliser sur l’image de ce grand homme politique. Peut-être le dernier de notre époque.

Bonus : parce qu’il a impressionné Barack Obama

Lors du sommet du G-20 en 2009, Barack Obama, premier président noir des Etats-Unis admet publiquement que « Lula est le dirigeant politique le plus populaire de la planète ». « Lula is the dude », pour utiliser une terminologie des frères Coen. On le voit en action, dans son élément, Lula réussit l’exploit d’hypnotiser Barack Obama devant les caméras du monde entier. N’est pas l’idole d’Obama qui veut…

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La semaine prochaine, la suite de ce billet avec « cinq raisons pour que Lula ne soit pas le prochain secrétaire général de l’ONU ».

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