Les cinq péchés capitaux du Brésil

Chers amis lecteurs, vous m’avez manqué. Je n’ai pas eu le temps de vous « alimenter » en billets ces dernières semaines pour diverses raisons, mais essentiellement parce que je prépare un petit voyage pour la grande ville de São Paulo. Vous avez également remarqué un changement radical du layout de votre « blog brésilien préféré ». Merci donc à Ziad Maalouf, et à toute l’équipe de RFI-Mondoblog qui ont durement travaillé pour une réforme de notre plateforme. Je ne souhaitais pas voyager sans vous laisser de quoi grignoter… j’ai donc décidé d’expliquer quels sont les cinq péchés capitaux d’un Brésil qui n’avance plus.
1. Son économie rentière
Le Brésil a longtemps navigué sur les bonnes vagues de ses ressources minières, de son pétrole et de sa diversité biologique. Ce modèle présente malheureusement des limites qui tôt ou tard allaient nous exploser à la figure. Premièrement, la récupération des Etats-Unis qui a attiré les investisseurs vers ce pays laissant le Brésil sans cet avantage concurrentiel qui aura duré, allez, disons, quatre ans (2008/2012).
De plus, lorsque vous avez une élite corrompue, des politiques au service des familles les plus riches de l’agronégoce et pas forcément soucieuses de rééquilibrer la distribution des richesses, comme l’observe le politologue André Singer, la tâche devient vraiment trop difficile :
Le lulisme ne s’est pas montré capable, jusqu’ici, de dépasser l’exploration des brèches existantes dans l’architecture néolibérale. Dans des conditions mondiales favorables, il s’est servi, avec une certaine justesse, des espaces non conflictuels pour améliorer la vie des pauvres. […] Cependant, le pas pour devenir un pays de classe moyenne dépendra d’un autre cadre, avec une autre corrélation de forces.
Cliquez ici (PDF) pour une analyse comparative concernant la politique agricole de la France et du Brésil.
2. Le vote obligatoire
Le vote obligatoire dans un pays comme le Brésil n’a aucun sens. C’est la manière la plus simple d’accroître le taux de corruption, d’impunité et ce sentiment que « les politiciens sont tous les mêmes », à mon avis, le premier pas pour qu’un pays s’autorise toutes les excentricités.
3. Des médias non pluralistes
Si le vote obligatoire n’a aucun sens au Brésil comme je le disais dans le point précédent, c’est aussi parce que le Brésil n’a pas un système médiatique démocratique et pluraliste. Or, la liberté de la presse est au moins aussi essentielle que la démocratie elle-même.
J’aime beaucoup l’analyse de Serge July pour qui « la démocratie dépend du nombre élevé de journaux et autres médias ». Une analyse qu’il tire de chez Tocqueville. C’est cette pluralité qui est le garant d’un vrai débat au sein de la société. Mais surtout, sans cette liberté de la presse et la diversité qui l’accompagne, la population n’a plus les balises nécessaires pour exercer « librement » son devoir de vote.
4. L’éducation à la traîne
Le slogan de campagne de la présidente Dilma Rousseff en 2014 était d’un goût très amer pour tous ceux qui en percevaient le cynisme : « Brésil, une patrie de l’éducation ». Vraiment?

Si c’est le cas, comment se fait-il qu’à l’heure où un consensus sur la nécessité d’une période d’austérité s’installe, ce soit sur le budget de l’éducation qu’on décide de couper 37 % d’investissement?
5. Des partis politiques sans leadership
Il y a non seulement un vide politique depuis le départ de Lula da Silva – que voulez-vous, même dans les meilleures démocraties, les gens veulent des messies – , mais c’est surtout l’incapacité de tous les partis politiques à renouveler leurs cadres.
Jusqu’ici, la formule est de faire du neuf avec les anciens ou les « nouveaux anciens ». Je m’explique. La candidate de la gauche radicale lors de la dernière élection présidentielle était Luciana Genro [vidéo], la fille de Társio Genro, ancien ministre et gouverneur du Rio Grande du Sul, poids lourd du Parti des travailleurs (PT). C’était un peu la « divine comédie » de cette campagne. Dilma Rousseff opposée à la fille de son ami… vous avez dit « tous les mêmes »?
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