Serge

Quelle justice après l’incendie de Santa Maria?

justice-9017_640Deux jours sont passés depuis l’incendie d’une discothèque à Santa Maria qui a tué plus de 230 personnes, la plus part d’entre elles, des jeunes étudiants; et la colère des familles et des médias soulève un débat assez délicat: comment rendre justice dans un cas de figure comme celui-ci?

Quand une personne meurt – meme de cause naturelle – en Afrique Bantu, la logique est de chercher le coupable. C’est toujours l’oncle, la tante, le voisin, etc. La culture Bantu retire toute responsabilité à l’individu impliqué dans une tragédie, ce dernier tend à attribuer ses déboires à d’autres.

Mais dans un cas comme celui de l’incendie de Santa Maria à l’extrême sud du Brésil, la tâche n’est pas facile pour les officiers de justice, souvent pris en otage par le discours des médias – surtout quand on connait leur force, ils ont déjà fait élire puis démettre un président – et la colère des familles des victimes.

Devant la boite de nuit Kiss, des centaines de gaúchos viennent déposer des fleurs alors que d’autres plus résistants scandent des cris de colère et d’indignation demandant que “justice soit faite”.

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D’autant plus que tout le monde dans cette affaire essaye de se dédouanner. Le chanteur du groupe qui se produisait cette nuit là a déjà reconnu avoir fait un show pyrotechnique mais nie que cela soit la cause directe de l’incendie; le Corps de pompiers affirme que l’établissement était en ordre avec la documentation (selon les informations obtenues par les médias il manquait bien d’autorisations à la boite).

Les proprietaires de la discothèque eux aussi nient toute responsabilité jettant la pièrre à l’administrateur du club. L’un d’entre eux aurait tenté de se suicider dans un hopital du Rio Grande do Sul. Le fait est que plus on en apprend sur l’affaire, plus on se rend compte que rien n’était en ordre dans l’établissement: aucune mesure de sécurité!

Pendant ce temps, les familles endeuillées entèrrent leurs morts en attendant que “justice soit faite”.

J’ai entendu, stupéfait, un célèbre présentateur d’une chaîne locale demander que les responsables fussent lynchés à la place publique. Certes, nous sommes tous choqués par la tragédie, mais doit-on pour autant en perdre la raison? Doit-on revenir au Moyen-âge pour soulager ces âmes brisées?

Quatre personnes seront inculpées pour homicide volontaire selon les informations obtenues aujourd’hui. Peut-on vraiment démontrer que ces hommes avaient l’intention d’en tuer 230?

Quelle justice viendra d’une telle opération? C’est maintenant l’occasion pour tous de penser au rôle de la justice dans nos societies.

 

La frontier entre le bon sens et la justice d’un côté et la vendetta populi devient floue…

Les accusés peuvent passer devant un tribunal de juris populaire; en toutes ces années vécues au Brésil je n’ai vu personne être innocenté par un tribunal de cette espèce; j’ai même assisté à un jugement de ce genre dans le cadre de mon cours de criminologie. Biensûr qu’on n’évalue pas une justice sur le nombre de personnes acquitées, mais les bases de celle-ci doivent être posées avec responsabilité.

Les plaies sont encore très ouvertes et il est dificile pour les “acteurs” de faire preuve de modération pour l’instant. En attendant que “justice soit faite”, nous pensons encore et toujours aux victimes de cette tragédie.

La mairie de la ville annonce la constuction d’un mémorial aux victimes juste à côté de l’établissement.


Vote biométrique, 100% jusqu’en 2018

 httpwww.tre-pb.gov.brLa Justice Electorale brésilienne s’applique à installer de façon définitive le vote biométique dans tout le pays, l’objectif étant d’étendre ce système à la totalité de la population votante d’ici 2018. L’expérience est déjà menée dans plusieurs états du Brésil, dont la Paraíba.

A l’heure actuelle l’état de Paraíba a déjà commencé à appliquer le vote biométrique, c’est-à-dire, un vote passant par l’identification d’appreintes digitales, ce qui devrait éviter la duplication des votes, ou le “vote transférés” de façon ilégale pouvant faciliter la fraude électorale dans les confins du pays. L’annonce a été faite cette semaine par le Tribunal Régional Electoral (TRE/PB).

Pour l’instant, les grands collèges électoraux sont les premières cibles du programme, ainsi, dans l’état de Paraíba, les villes de João Pessoa et Campina Grande vont appliquer le vote biométrique dès les élections de 2014 (celles-ci concerneront le choix d’un nouveau président de la République et des gouverneurs des 27 états brésiliiens), l’intention du TSE (Tribunal Suprême Electoral) est que d’ici là 32% des votes se fassent par la reconnaissance digitale. Au délà des besoins politiques, cette méthode est aussi d’une grande utilité sécuritaire.

bio voteJ’ai déjà écrit sur ce blog que le Brésil était considéré un modèle – à juste titre – d’organisation électorale, qui plus est supérieur aux Etats-Unis d’Amérique malgré le niveau de richesse de ces derniers. Encore une fois, les responsables juridiques – ils s’occupent de l’organisation des élections ainsi que de la résolution des contentieux électoraux – montrent une ferme volonté de renforcer la légitimité des urnes dans ce pays qui doit encore faire face à l’extrême pauvrété.

Au Brésil, et plus particulièrement dans les états du Nord-Est les populations pauvres sont manupulées par des grands producteurs, certains politiciens sans scrupules allant jusqu’à encourager le “vote répété”. Ainsi, l’adoption du vote biométrique s’inscrit dans une lutte qui consiste à adopter des mesures drastiques contre la fraude électorale. Un exemple à suivre pour les pays africains, entrer dans l’ ère du bio!

 

 


CAN, l’overdose

 akidia

La Coupe d’Afrique des Nations a commencé samedi 19 janvier en Afrique Sud, mais les médias brésiliens boudent cet événement sportif qui n’est pourtant pas inintéressant. Certes, la mystérieuse séquence 2012-2013 qui voit deux CAN se succéder a compliqué la tâche des médias, mais la raison est bien simple : il fallait que la plus grande compétition africaine soit compatible avec le calendrier de la Fifa, en évitant que Coupe du Monde et CAN n’aient lieu dans une même année.

Au pays où le football est roi, on ne suivra que très peu la CAN. Les Brésiliens doivent souffrir d’une overdose de football mal joué. Je ne suis pas gêné de dire que cette compétition n’est pas non plus l’équivalent de la Champions League européenne ou du championnat anglais en terme de spectacle.

Aucune chaîne de télévision gratuite ne diffusera les matchs de la CAN cette année. Ce serait une forme de suicide pour l’audience, soyons sérieux! L’année dernière, seule la chaîne sportive ESPN (cablée) avait inclus la compétition dans sa programmation, mais elle a perdu les droits pour la concurrence, en l’occurrence Globo (SportTV).

Les Brésiliens peuvent être les rois du football, mais ils font preuve de chauvinisme quand il s’agit d’autres compétitions continentales. Les journalistes sportifs, qui sont pourtant de très bons analystes, prennent des allures de Footix lorsqu’il faut commenter la CAN. Ils ne connaissent que le Nigéria de Kanu, ni  le Cameroun d’Eto’o.

En fait, la Champions League d’Afrique intéresse beaucoup plus que la CAN puisque très souvent, le vainqueur de la compétition se frotte au champion d’Amérique Latine en Coupe du Monde des Clubs, comme ce fut le cas en 2010 pour Mazembe et cette année pour Al-Ahly du Caire.

La star Kidiaba

Muteba Kidiaba par mustapha_ennaimi, Wikimedia Commons
Muteba Kidiaba par mustapha_ennaimi, Wikimedia Commons

Les deux premiers matchs et quelques autres qui ont suivit me donnent raison en ce qui concerne le manque d’un vrai spectacle, mais il faut tout de même mentionner l’excellente exhibition du Ghana et de la RDC. D’ailleurs mon pays peut se vanter de compter dans ses rang une star désormais planétaire: Robert Kidiaba, qui séduit les Brésiliens depuis le match de Mazembe en demi-finale de la Coupe du Monde des Club en 2010, où les Congolais avaient battu les favoris brésiliens de l’Internacional de Porto Alegre.

Ce match est par ailleurs entré dans la légende grâce à la “danse tape-cul” du gardien de but congolais. Ce dimanche à Port Elisabeth, il a remis ça. Kidiaba nous a sorti son grand numéro après l’égalisation des léopards, pour le grand plaisir des Brésiliens.


Salaire minimum: le Brésil à la traîne

Billet de 100 reais
Billet de 100 reais

Ce mois de janvier le salaire minimum a été augmenté à 678 reais soit 295 euros, une somme insignifiante au vu du nouveau statut acquis par le Brésil comme un leader des « Brics » dont le PIB avoisine les 2.300 Mds $. Un chiffre scandaleux quand on sait qu’en France le smic est à 1425 euros. Le problème consiste à savoir si l’Etat brésilien est capable de supporter une telle dépense publique étant donné qu’il emploie un grand nombre de fonctionnaires publics.

Aux Etats-unis par exemple, le salaire minimum est à 2,5 dolars de l’heure, moins que ce qu’une personne pourrait gagner dans le marché informel; sans compter qu’il ne touche qu’une infime partie des travailleurs, soit 1,5 % des salariés.

Le salaire minimum a été institué au Brésil en 1936 par le président Getúlio Vargas, responsable en outre d’institutionnaliser les droits des travailleurs pendant l’Etat Nouveau (Estado Novo). Il faut attendre les grandes réformes structurelles des années 1990 qui ont lancées le plan real sous Fernando Henrique Cardoso pour voir les premiers effets de cette mesure économique sur l’inflation. Et donc, une revalorisation du salaire minimum en soi. Toutefois, c’est surtout durant le mandat du président Lula da Silva que les classes les plus pauvres vont bénéficier d’une vraie politique de combat contre la pauvreté avec une augmentation graduelle du smic brésilien. Une initiative politique qui visait avant tout à poser les fondements d’une économie émergente basée sur la force de ses classes moyennes.

Depuis le début du mandat de Dilma Rousseff, le salaire minimum est passé de 600 reais à 678 reais, si l’on considère son évolution depuis l’année 2003 quand le parti travailliste accède au pouvoir, il a ainsi évolué de 35 %.

Selon les chiffres officiels, 70 de 92,5 millions de travailleurs sont employés dans le secteur formel,  50 % étant dans les services.

Le Brésil n’est pas le seul mauvais élève, l’Allemagne qui a jusqu’ici résisté à l’adoption d’un salaire minimum pense à une petite évolution dans le secteur. Certains analystes attribuent le niveau de paupérisation de la société allemande – surtout chez les jeunes – à l’absence de cette mesure de protection sociale qui a fait les beaux jours de l’Etat de bien-être social en Europe.


« Affirmative action »: ce que l’Afrique peut apprendre

(Professeur Charles Taylor en 2007)
(Professeur Charles Taylor en 2007)

Le professeur canadien Charles Taylor est sans doute le fondateur d’une véritable théorie de la reconnaissance qui a guidé toutes les politiques multiculturelles de ces vingt dernières années dans le monde occidental. J’ai récemment publié un article portant le titre Reconnaissance dans l’état laïc dans une revue académique de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro. C’est l’occasion pour moi de revenir sur ce thème.

Le thème de la reconnaissance est sans doute le paradigme politique et le plus important de ce début de siècle, mais l’on peut trouver ses racines dans les revendications politiques de Mai 1968. En quoi consiste ce paradigme? Il désigne basiquement une compréhension des conflits sociaux comme étant de l’ordre de la lutte pour la reconnaissance politique. Cela veut dire que les personnes sont tout le temps en train de revendiquer des politiques favorables à leurs différents statuts. Celles-ci peuvent concerner la religion, la race – comme c’est le cas des politiques dites affirmatives actions – , le genre (en ce qui concerne l’égalité des sexes ou même une révision des lois en faveur d’un traitement inégal selon les contextes).

Plus tard d’autres intellectuels reprendront ce thème notamment aux Etats-unis (Nancy Fraser) et en Allemagne (Axel Honneth). L’Allemagne de son côté se voit face au défi d’intégration de ses populations issues de l’immigration turque. Le thème n’a pour autant pas perdu sa centralité dans la société allemande.

Le Canada est le pays qui a le mieux appliqué les politiques multiculturelles avec surtout la reconnaissance du français comme langue officielle des minorités francophones, mais aussi par l’inclusion des langues d’origines indigènes grâce à leur institutionnalisation  L’Australie est aussi reconnue pour son succès dû à l’inclusion et à la reconnaissance des cultures autochtones. La France a pour sa part eu ses années de multiculturalisme même si certains dirigeants européens comme madame Merkel en avait déclaré l’échec. Nicolas Sarkozy lui en critiqua les conséquences. Dès les années 1970 les premières lois donnant des « droits exceptionnels » – dont le port du voile – aux musulmans furent crées. C’est en 2003 que le rapport Stasi met fin à une longue tradition multiculturelle en France.

En Amérique Latine, ce type de politique intervient très souvent pour intégrer les populations « indigènes », elles aussi marginalisées tout au long de l’histoire. Au Brésil on peut les identifier dans les différents programmes de réduction des inégalités raciales historiques – dont une variante sont les politiques de quota – dans les universités publiques notamment. Par ailleurs plusieurs universités d’Afrique du Sud appliquent les affirmatives actions.

La politique de la reconnaissance au Brésil a également permis au Mouvement des sans-terre (MST) d’être considéré comme  membre actif de la société civile; aussi ces derniers ont acquis le droit à un cours d’histoire pour les populations sans terre dans des grandes universités brésiliennes. Ces mêmes politiques visent aussi à reconnaître le mode de vie alternatif des quilombosle tout étant de lutter contres les violences symboliques faites à ces populations qui choisissent de vivre de façon autonome.

A l’heure où plusieurs mouvements identitaires montent en Afrique – sur fond de violence – que ce soit au Nigéria, au Mali, en Egypte, en Libye ou encore en RDC qui souffre toujours de ses guerres ethniques  il devient urgent de s’intéresser au concept de la reconnaissance pour les solutions qu’il peut apporter.


Port d’armes: une tendance du nouveau monde?

(Ministério da saúde)

Alors que la question relative au Droit de porter une arme à feu refait surface en Amérique, après le massacre d’une vingtaine d’enfants, je me propose de faire une petite comparaison avec la situation au Brésil. Comme aux Etats-Unis, la société brésilienne est marquée par un taux élevé de violence urbaine; néanmoins les raisons sont bien différentes pour le cas du géant d’Amérique Latine.

Il faut quand même rappeler qu’en 2005, les dirigeants brésiliens ont imposé un véritable débat national sur le droit au port d’arme allant jusqu’à organiser un référendum sur le sujet. On posait alors la question suivante aux brésiliens: « le commerce d’armes à feu et de munitions doit-il être prohibé au Brésil?« . Aux termes de cette consultation, la population s’exprima majoritairement en faveur du Non, et malheureusement la vente d’armes à feu continue dans les villes brésiliennes.

Quelques précisions s’imposent tout de même; elles sont le résultat de la loi sur le désarmement promulguée par l’ex-président Lula. Seules les personnes de plus de 25 ans, ayant prouvé n’avoir aucun antécédent criminel ont le droit d’acheter une arme. Il faut en outre montrer une attestation d’aptitude psychologique et physique pour en être « digne »; en plus de cela les civils n’ont pas le droit de se déplacer avec leurs armes « bien acquises ». Le port d’armes se limite donc à sa propre résidence – ou à son lieu de travail – sauf exception. N’empeche qu’en 2011, le pire arriva dans une école de Rio de Janeiro lorsqu’un jeune homme tua plus de 12 personnes avant de se suicider. La même année, la Police Fédérale mena une vaste campagne de désarmement  aux termes de laquelle plus de 22 millions d’unités furent retirées de la circulation moyennant une somme d’au plus 150 dollar.

Il y a une grande différence entre ce qui se passe au Brésil et la situation dramatique des Etats-Unis où plus de 300 millions d’armes à feu sont en circulation, soit une arme par habitants. Si les américains restent encore très réticents à la fin du second amendement, les brésiliens ont pour leur part organisé un vrai débat national, même s’ils décidèrent en faveur du maintient du statu quo.

La question du port d’armes au Brésil est foncièrement liée à la violence reconnue comme étant le propre des populations noires, d’où la résistance de la classe moyenne – et de certains milieux de droite – de voir un changement précipité qui plongerait rapidement le pays dans le chaos.

Le cas américain est politique. La première difficulté du gouvernement sera de résister à la contre-offensive des lobbies d’armement qui controlent le congrès. C’est la démocratie américaine qui est en danger, dans un contexte où toute la population est capable de se procurer une arme.

Des différents rapports publiés ces dernières années ont d’ailleurs montré l’évolution du Brésil par rapport à leur voisin du Nord, les Etats unis. Au regard de ces publications, la guerre est loin d’être l’unique cause de la violence et de la mortalité violente, il s’agit surtout d’une conséquence des choix politiques.

Barack Obama – qui n’a plus rien à craindre ou à perdre – a maintenant l’occasion d’entrer dans l’histoire; cette fois-ci pour d’autres raisons que son appartenance ethnique, mais plutôt par son héritage politique. Il lui suffit d’être ferme et d’imposer une révolution sociale aux Etats-Unis en limitant fortement la vente d’armes, une mesure qui serait aussi importante que l’abolition de la peine de mort que Mitterrand a légué à la France. Ne lisez pas les sondages monsieur Obama, agissez selon votre conscience!

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Bowling for Columbine de Michael Moore


Le Brésil et ses prisons médiévales

 

Le ministre brésilien de la justice José Eduardo Cardozo a choqué l’opinion publique comparant les prisons de son pays à celles de l’époque médiévale : « Je préfère mourir qu’être emprisonné au Brésil », a-t-il affirmé.  Un commentaire qui a fait réapppaître le débat sur les conditions inhumaines des prisons brésiliennes. Il ne s’agit pas seulement d’un complexe d’infériorité de la part d’un dirigeant sud-américain idéalisant les conditions carcérales européennes, mais bien d’une critique visant à montrer l’urgence d’une réforme du système carcéral brésilien.

Ce que le ministre ne veut pas nommer, ce sont les viols ou les assassinats récurrents entre les prisonniers qui rendent inhumaines toutes les prisons brésiliennes.

Savez-vous par exemple qu’ici, un criminel ayant un diplôme universitaire jouit de certains avantages institutionalisés par le code pénal, de telle sorte que s’il commet un meutre ou un autre crime grave, il a le droit de bénéficier d’une cellule individuelle. Un avantage que ma professeur de Théorie de la Démocratie avait du mal à avaler : ce « petit privilège » est aux antipodes du principe d’isonomie qui caractérise tous les régimes démocratiques.

Ce concept juridique que l’on nomme prisão especial – arrestation spéciale – a été jugé inconstitutionnel par un grand nombre d’opérateurs de justice, dont Nelson Paes Leme, chercheur en droit politique à l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ). Pourtant, le parlement a maintenu la règle de la détention spéciale. Certains affirment que c’est là une trace de l’héritage portugais, une société construite sur la concession permanente d’avantages entre proches. Il est aussi vrai que la culture des « doutores » a été importé du Portugal lorsque les bacheliers de droit revenaient au Brésil peu après l’indépendance : ils ont ainsi construit une société de privilèges, corporativiste et clienteliste. Bien des « maux d’origines » comme on les appelle ici.

En attendant, les pauvres, les noirs – très souvent, ce sont eux les pauvres – et les analphabètes n’ont qu’à se confiner dans ces prisons médiévales. On se croirait dans les Visiteursun classique de Jean-Marie Poiré, mais en bien moins drôle


Les noirs meurent plus que les blancs au Brésil

Une étude publiée cette semaine à Brasilia fait état d’une situation plus que dramatique quant à la différence du taux de  mortalité entre les populations noires et blanches au Brésil. La recherche intitulé La carte de la violence a été faite sous la coordination de Julio Jacobo Waiselfisz, et vient avec un sous-titre révélateur, La couleur des homicides au Brésil. C’est le Ministère de la Santé qui constitue la principale source d’informations dans ce domaine avec son Système d’infomation sur la mortalité (SIM). Ce système étant institutionalisé par une loi obligeant les autorités compétentes à infomer les causes de chaque décès, aussi bien que l’âge, le sexe, la profession,  le lieu de la mort et la race de la victime.

Les informations sont soumises à une classification codifiée, ainsi le symbole x93 représente une mort provoquée par une arme à feu; x91, une pendaison ou un étranglement. A chaque décès on peut ainsi collecter des informations utiles sur les origines et les circonstances de la mort. Toutefois, la recherche pose certains problèmes méthodologiques étant donné que la classification d’une race est individuelle (l’auto-définition) , c’est-à-dire en gros que chaque citoyen déclare sa race – on rencontre ainsi des personnes blanches qui se révendiquent de la pupulation noire -. Ce phénomène d’autoclassification est le reflet d’un problème racial au Brésil qui constitue un tabu dans toutes les couches da société. Sur ce thème, le professeur Kabengele Munanga d’origines congolaises  est devenu une autorité nationale.

Le rapport révèle des chiffres dramatiques qui établissent l’importance de la race dans l’occurrence des homicides. Selon cette étude, entre 2002 et 2010, pas moins de 272.422 citoyens noirs seraient morts à cause de la violence urbaine contre 144.174 blancs. On note ainsi une différence de 89% du taux de mortalité entre les noirs et les blancs. Le chiffre n’est pas moins scandanleux lorsque l’on regarde la différence des homicides entre les jeunes noirs (159. 543) et les jeunes blancs (70.725).

On note également un taux élevé d’incidences au Nord du Brésil – qui est aussi la partie la moins riches du pays -, le Nord-Est brésilien domine la liste avec plus de 15.000 homicides contre des noirs alors que 1.500 blancs ont été victime d’homicide dans la même région (2010). Par ailleurs, la région Nord-Est présente une suprématie par rapport aux autres régions du pays en 2010: le Sud avec 1.234, le Sud-Est avec 9.519, le Nord avec 5.250 et le Centre-Ouest avec près de 3.500 décès violents.

Les cinéastes brésiliens font la fête

(crédit photo: www.tropadeeliteofilme.com.br)

Ces statistiques trouvent écho dans le cinema brésilien de ces dernières qui ne cesse de montrer sur le grand écran ce cadre violent  caractéristique des villes brésiliennes et se concentre essentiellement dans les quartiers majoritairement peuplés par les noirs. Le lancement en 2007 du film Troupe d’élite marque la médiatisation d’un phénomène social très polémique au Brésil, à savoir, la nature de l’action des forces de l’ordre dans les communautés pauvres – certaines associations vont jusqu’à dénoncer un génocide contre la population noire. La violence policière étant très souvent comparée à la violence des trafiquants, les forces de l’ordre ont très vite trouvé des défenseurs dans la presse, et d’une certaine façon, ce film vainqueur de l’Ours d’or en 2008 jouait ce rôle.

Plusieurs autres films ont suivi cet élan et ont eu relativement le même succès. Aujourd’hui ce genre fait débat dans les milieux académiques qui dénoncent la création et la reproduction des stéréotypes servant à stigmatiser une population victime d’injustice depuis des siècles. Exposer la population noire comme étant essentiellement violente cache justement le besoin d’oculter ces injustices sociales séculaires.

 On note néanmoins l’effort des autorités de changer l’abordage de l’action des forces de l’ordre dans les grandes villes, à l’approche des jeux olympiques et de la coupe du monde, ce changement est plus que bénéfique. C’est dans cette optique qu’il faut comprendre la création des unités de police pacificatrices (UPP). Leur stratégie est aussi bien communicationnelle que sociale et consiste à remplacer la présence des trafiquants dans les favelas par une présence policière, qui s’occuppe entre autres choses d’activités éducatrices, sociales, culturelles et sportives. Leur objectif est de sécuriser les favelas et aussi d’éloigner les jeunes adolescents de la criminalité.