Brésil, quartier libre
Sept ans, c’est beaucoup. Sept ans que je vis en terra brasilis en toute sécurité et dans l’exercice pleine de mes libertés individuelles. Jamais encore, je n’ai vu personnellement un crime de grande envergure, jamais une arme n’a été pointée sur ma tempe. Pourtant, le ministère des Affaires étrangères de la République française classe le Brésil dans la catégorie « vigilance renforcée, zones déconseillées » des pays à éviter.
Les classements doivent toujours être relativisés. Qu’il s’agisse des classements des meilleures universités comme celle de Shanghai – mais sur quels critères? – ou le classement des pays les plus riches – mais quelle richesse? – , ou encore le classement des pays libres – quelle liberté d’expression?
Personnellement, je préfère me fier à l’opinion de personnes qui y vivent plutôt qu’à l’évaluation de quelque agence internationale quand bien même ces résultats font l’objet de réelles enquêtes de terrain. Cependant, le quotidien est bien plus complexe qu’une simple carte interactive présentée sur le site des Décodeurs du journal Le Monde.fr.
J’ai déjà écrit sur ce blog qu’au Brésil, quand il s’agit de mort violente, les Noirs mourraient bien plus que les Blancs. Et souvent, ils sont victimes de bavures policières de telle sorte que le Brésil n’est pas très différent des Etats-Unis à l’échelle du rapport race-assassinat-violence policière.

Les stéréotypes « aidant », la police est plus répressive envers les jeunes des quartiers pauvres – les fameuses favelas – qui arborent leur bermuda, torse nu, s’adonnant à un curieux hobby qui consiste à « envahir » les shoppings centers réservés habituellement à la classe moyenne.
Il y a des signes qui ne trompent pas. Et paradoxalement, il est tout aussi facile de se fondre dans la masse. Je ne me balade jamais en bermuda de peur d’être confondu à un « marginal« .
Je ne sais pas dans quelle mesure, cette précaution est une forme de prudence ou si elle contribue à reproduire des préjugés. Mais, le fait est que cela fonctionne.
Dans certaines villes, comme à João Pessoa, la police n’effectue jamais de contrôles, ce qui n’est pas le cas des autres grandes villes. A Belo Horizonte, par exemple, les Noirs sont systématiquement fouillés… sans discrimination dans cette branche ethnique.
Les dernières statistiques officielles informent que João Pessoa serait la ville la plus violente du Brésil. J’avoue pour ma part ne pas voir cette violence au quotidien. Comme j’ai dit, les statistiques doivent être relativisées. Peut-être qu’elle est effectivement violente proportionnellement au nombre d’habitants : 67 homicides pour 100 000 habitants selon les données officielles.
Ce qui place João Pessoa comme la neuvième ville parmi les plus violentes du monde. Mais encore une fois, cette violence est concentrée dans des quartiers que je ne fréquente pas, la violence urbaine est ghettoïsée. Il y a aussi la question de la proportion comme je l’ai déjà écrit.
Une chose est la violence urbaine réelle, une autre en est l’impression ressentie par les habitants. Or, les statistiques ne montrent pas cette différence.
Comment peut-on comparer la violence urbaine à Rio de Janeiro et João Pessoa ? N’est-ce pas à Rio qu’un hélicoptère de la police civile a été abattu par des trafiquants de drogue ? Alors, oui, croyez aux chiffres que vous voulez…
Il y a aussi la question des journalistes. C’est encore à Rio de Janeiro qu’un journaliste de la chaîne de télévision Band TV a été tué alors qu’il couvrait une manifestation. A bien des égards, le Brésil peut être aussi dangereux pour les journalistes qu’un pays en guerre.

Je ne veux évidemment pas contredire les statistiques officielles, encore moins décourager les touristes – ça, le ministère français des Affaires étrangères s’en charge déjà très bien – mais il est préférable à mon avis de visiter des villes du Nordeste plutôt que São Paulo ou Rio de Janeiro.
Hélas, je n’ai ni les moyens ni le statut pour lutter contre des statistiques…
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