12 février 2015

Comment « l’affaire Petrobras » a eu raison de Dilma Rousseff

La stratégie de faire tomber Dilma Rousseff pendant la Coupe du monde a lamentablement échoué. Les brésiliens ont préféré regarder les matchs à s’occuper d’une révolution sans tête ni queue. Celle-ci pouvait attendre, le gouvernement du Parti des travailleurs (PT) n’est-il pas autodestructeur? Le scandale du groupe Petrobras a reveillé les vieux spectres et Dilma Rousseff n’a pas résisté. C’est un vieil habitué des palais qui revient à la tête du Brésil.

Les yeux dans les jumelles…

Janvier 2015. Les cadres du PT ne supportent plus la paranoïa de la présidente Dilma surtout qu’elle est mal canalisée. Voyez bien, pendant que la droite et l’extrême droite se mobilisent pour faire capoter ce deuxième mandat qui commence décidément très mal, Dilma Rousseff a la tête ailleurs.

Plutôt les yeux ailleurs. Elle est concentrée, les globes oculaires dans ces jumelles qu’elle s’est procurées auprès du général des forces armées terrestres. Elle est obssédée par son petit jardin dans l’arrière-cour du Palácio du Planalto, la maison blanche brésilienne. Elle surveille de près les manguiers plantés par l’ancien président Kubitschek. Elle guette le premier venu qui essayerait de voler quelques mangues. Dernièrement, l’une de ses conseillères a été virée illico pour avoir osé cueillir le fruit interdit.

https://en.wikipedia.org/wiki/File:Navy_binoculars.jpg
Navy binoculars – crédit photo: Airman Ricardo J. Reyes | Wikimedia commons

Mais le problème est ailleurs. Les conseillers sont désespérés puisque madame Rousseff « ne pense qu’aux grands arbres ». Et quand on le lui reproche directement, la présidente distribue des coups de pied aux tibias des récalcitrants… souvent, elle préfère frapper du pied sur les portes du palais. D’ailleurs, le personnel l’a surnommé « Rainha Marta« * à cause de son talent avec les deux pieds.

Bref, le problème est encore ailleurs. De toute façon, on sait pertinemment que les présidents ont leurs petits défauts: Kennedy était bien un adepte des partouzes en compagnie de Frank Sinatra, Lyndon Johnson lui aimait déféquer devant son personnel… heu, je m’égare un peu là.

Et puis, des excentricités, le protocole brésilien en a vu. Comme cette fois où, en marge d’une réunion à l’Elysée, Lula a fait demander une tapioca; mais cela reste raisonnable en comparaison avec cette « obssession des arbres » de madame Rousseff.

Encore une fois, la pression était trop forte. Il y a donc ce scandale du groupe Petrobras qui n’en finit pas tremper encore plus les proches du gouvernement dans le déshonneur. Au Brésil, à chaque gouvernement suffit son scandale. Mais, il n’est pas certain qu’une présidente sans charisme survive dans ces eaux troubles.

Les poids lourds du parti se sont lassés de cette « présidente faible » qui ne maîtrise rien de la Real politik, sans jeu de ceinture, elle n’a pas pu empêcher l’incarcération de José Dirceu, ce proche de Lula da Silva dont on dit que c’est lui qui gouverne véritablement le Brésil. Ce faucon a déclaré en privé que « le PT n’a pas un projet politique , mais un plan de pouvoir ».

Une affaire de barbe…

Ce pouvoir se voit aujourd’hui menacé, donc des mesures drastiques s’impsosent. Surtout que de son côté, Aécio Neves a compris qu’au Brésil, l’apparence compte plus que les projets politiques ou les notes « AAA » des agences internationales. Il trimbale désormais sa barbe de trente jours, « lulesque ». Ses électeurs qui démonisent tellement Lula sont choqués, mais ça marche puisqu’Aécio a désormais une tête de président…

https://blogdomagnodantas.blogspot.com.br/2015/01/aecio-neves-adota-barba-em-novo-visual.html
Le nouveau look d’Aécio Neves

… peut-être pas encore finalement.

La machine-PT est en marche. L’idée étant de pousser la présidence à rénoncer d’elle-même parce que la procédure judiciaire est trop compliquée. Voici ce que la loi dispose à ce sujet:

La plainte peut être valable pour crime de droit commun, le crime de la responsabilité, abus de pouvoir, la violation des règles constitutionnelles ou violation des droits en vertu de la Constitution.

Difficile de prouver qu’elle ait eu un vrai rôle dans l’affaire du scandale de Petrobras;  c’est néanmoins la démission de son amie intime Graça Foster qui porte un coup fatal à son image. Mais qu’importe, les cadres demandent sa tête. Lula a même parlé d’un plan au vice-président de la République, Michel Têmer:

– Michel, j’avais confiance en Dilma mais elle me déçoit. Il va falloir que tu la remplaces. Parce qu’elle va rénoncer dans un an. Je compte sur toi, hein. En 2018, je reviens tranquilement, les sondages sont avec moi. Et puis, tu as vu le petit Aécio, il pense vraiment que c’est ma barbe qui a fait avancer ce pays, hein.

– Sim presidente**. De toute façon moi et mon parti, on est toujours là depuis 1994. Nous, vous savez, c’est comme les journalistes. Vous passerez tous et on sera toujours là puisqu’on tient le parlement. La presidence ne nous intéresse pas, on préfère rester dans l’ombre, au PMDB.

Le double jeu de Lula pour remplacer Dilma Rousseff

Le même jour, Lula a pris le soin de téléphoner personnellement Aécio Neves pour le convaincre de ne pas forcer un impeachment au Parlement, il le rassure que Dilma s’en ira (ce qui pour lui reduirait l’humiliation de la défaite subie en 2014) dans un an.

En public, on dira que c’est grâce à Aécio: « Donne-moi une année, Aécio. après tu fais ce que tu veux. Et je ne me représenterai pas en 2018, tu auras ainsi la voie libre. Michel Têmer ne fera pas le poids contre toi« .

Lula connait bien Aécio Neves pour l’avoir rencontré gamin dans les bureaux de son grand-père à Minas Gerais. Ce dernier n’a jamais regardé au-delà de son orgeuil personnel. Il déteste tellement Dilma Rousseff qu’il ne s’imagine pas un instant que Lula et Têmer puissent le piéger. Son parti pourrait bien l’aider, mais ils sont en guerre ouverte depuis des années. Notamment avec le gouverneur de São Paulo qui se voit aussi président…

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P.S: Bien que certaines anecdotes reprises dans ce billet proviennent d’une source sûre? proche d’une personne très proche du PT, ce billet reste une fiction.

* Reine Marta, le surnom de la footballeuse 5 fois ballon d’or féminin FIFA.

** Oui, président, en portugais.

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