Dilma 2.0 : un gouvernement (très) « market friendly » au Brésil

Dilma Rousseff a gagné les élection en 2014, exact ? Faux ! Elle les a perdues. Du moins moralement et symboliquement. Les intégristes de la langue de Molière me pardonneront cet écart de langage; « market friendly » n’étant pas très « french friendly« , je sais, mais les exigences du métier, c’est-à-dire écrire à l’ère du SEO m’y obligent. D’ailleurs, la présidente du Brésil, Dilma Rousseff est dans la même démarche: s’adapter… au marché et au numérique (2.0).
Après une campagne électorale marquée par une surenchère dans l’utilisation d’un discours progressiste, tant à droite qu’à gauche, voilà que Dilma Rousseff (PT, Parti des travailleurs) se met en tête de séduire les marchés qui la bouderaient depuis le premier tour de la présidentielle.
On annonce donc une reformulation des ministères du côté du Palácio do Planalto, avec une entrée massive, si l’on peut dire ainsi, des conservateurs. Au Brésil, si cela peut choquer certaines sensibilités de gauche, institutionnellement, ça reste très faisable grâce à un présidentialisme de coalition qui favorise les accords post-électoraux.
L’ancien maire de São Paulo, Gilberto Kassab est donc pressenti pour le ministère de la Ville. Kassab est réputé conservateur et a fait alliance pendant un long moment avec l’actuel gouverneur de São Paulo, Geraldo Alckmin (PSDB, social-démocrate) qui roule pour l’opposition. Sur cette carte interactive élaborée par le quotidien Folha de São Paulo, il est possible de voir les changements que pourra apporter Dilma Rousseff à son gouvernement 2.0 et surtout très Market Friendly.
Dilma 2.0 sera donc un gouvernement progressiste formé par des ministres de droite ? L’ingénierie révèle au moins un fait : remporter une élection est une chose, gouverner en est une autre.
Et surtout, il apparaît clairement que Dilma Rousseff est ressortie fragilisée de ces élections notamment parce que son parti a perdu des sièges au Parlement.
Ces dernières semaines, le nom de Kátia Abreu (PMDB, centre droit) pressentie au ministère de l’Agriculture a fait couler beaucoup d’encre; car elle dirige actuellement la confédération de l’agriculture et de la pêche, un secteur de la production pas toujours bien vu par les mouvements sociaux…
De plus, Dilma 2.0 fera attention à ne pas nommer un ministre qui serait par la suite emporté par le scandale de Petrobras. On se souvient qu’après son élection de 2010, la présidente Rousseff a dû changer six ministres pris dans une autre tempête de corruption.
Madame Rousseff est donc très loin d’être en position de force. Elle doit composer, et ici, le parallèle avec Obama 2.0 est très opportun, car si Dilma Rousseff s’efforce de plaire à un Parlement opposé à son programme et également très Market friendy, Obama a décidé de passer en force notamment sur le dossier de l’immigration.
Tout ceci me fait penser à une anecdote très connue dans les années 1990 et que Julie Owono (@JulieOwono), la grande journaliste camerounaise me rappelait un peu par hasard sur le réseau social Facebook. Parlant de l’affaire Exhibit B, elle a additionné le hashtag #TINA provoquant ainsi ma curiosité. Naturellement, j’ai pensé à la gourou des marchés, Margaret Thatcher et son fameux slogan There Is No Alternative, sans me rendre compte que l’acronyme avait depuis été resignifié en This Is New Africa – donc aussi, #TINA.
Bref, il me semble que ce slogan si cher à Margaret Thatcher n’a pas fini de nous gouverner, du moins symboliquement. Car on le voit bien que dans tous les pays, les gouvernements sont préoccupés par une obscure nécessité d’être Market friendly, c’est-à -dire, fréquentables. Qui a dit que le thatchérisme était mort?
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