La terrifiante montée des extrémismes au Brésil

Dilma Rousseff sort enfin de son silence. L’inquiétante montée des extrémismes au Brésil a tiré la présidente d’un mutisme qui devenait pesant comme je le faisais remarquer sur Twitter. Racistes, homophobes, xénophobes, hommes politiques ou anonymes, tous les extrémistes se sentent pousser des ailes. Analyse d’un phénomène en expansion.
Le gouvernement brésilien sort peu à peu du profond sommeil qui l’empêchait de prendre la mesure du phénomène : une montée plus qu’inquiétante des extrémismes au Brésil. Une tendance en rupture avec les coutumes de ce beau pays. Internet facilite la mobilisation des radicaux alors que les médias déversent des discours dont l’éthique est pour le moins douteuse.
Réaction importante et incisive de la présidente Dilma Rousseff sur son compte Twitter, en vidéo:
Repudio toda forma de ódio. Seguiremos combatendo a xenofobia, o racismo, a homofobia e a violência contra mulheres. https://t.co/2CibnogKFq
— Dilma Rousseff (@dilmabr) 18 setembro 2015
Le discours clivant des hommes politiques
Les hommes médiocres ont de plus en plus d’espaces dans les médias brésiliens. Ne croyez pas que la France est le seul pays à avoir des politiques un peu « folkloriques » – soyons gentils -. Au Brésil aussi, nous avons « nos propres Donald Trump et Nadine Morano« . BBC Brasil s’inquiète d’ailleurs d’un scénario « à la Trump » d’ici 2018.
Jair Bolsonaro est sûrement le député politique le plus aimé et le plus détesté du Brésil. Il faut dire que le pire député du monde comme le rapporte le blog du Monde.fr, Big Browser ne fait pas dans la dentelle. Entre un discours homophobe, raciste et misogyne, il occupe constamment l’espace médiatique.
Il est certain que la grande visibilité médiatique dont jouissent les hommes politiques ultra-conservateurs comme Jair Bolsonaro (placé 4° dans la course à la présidence de 2018 par un sondage cette semaine) et le président du Parlement brésilien Eduardo Cunha a joué son rôle pour décomplexer les extrémistes.
Des hommes masqués et des justiciers de Rio
Certains n’y verront aucun lien mais la renommée internationale qu’a gagné le Batman des favelas portraitisé par Making-of a donné des idées à de nombreux jeunes qui veulent s’essayer à l’héroïsme des populistes. Ces derniers jours nous avons vu proliférer des groupes extrémistes prétendant se faire justice eux-mêmes. Dans leur ligne de mire, les jeunes des favelas qui organisent des « rafles » sur les plages cariocas… sacrilège! Le lieu le plus démocratique au Brésil, la plage, est devenu un territoire de terreur et tout indique que désormais un apartheid se prépare.

Les nouveaux justiciers de Rio de Janeiro n’hésitent pas sur le choix des suspects : « il s’agit de jeunes dont l’aspect indique qu’ils n’ont pas d’argent sur eux pour retourner dans leur quartier. » Comme on peut le lire sur le site Internet de Folha de SP, La police n’a pas l’air dérangée par ce problème. Ces jeunes justiciers ciblent de préférence des bus sur la ligne d’autobus 474 qui relie Copacabana et les quartiers pauvres.
Des vols en série sur les plages de Rio sont à l’origine de ces mouvements de défense organisée, mais une analyse objective devrait les mettre en perspective avec l’exclusion de moins en moins acceptée des jeunes issus des quartiers pauvres.
Série de vols violents sur les plages de Rio de… par lemondefr
Le « modèle américain » fait des émules
Que les Brésiliens aiment imiter les Américains n’était un secret pour personne. Toutefois, les nouvelles que nous recevons de Rio de Janeiro et sa périphérie ne cessent de nous inquiéter.
Deux reportages ont attiré mon attention et celle du public en général. Le premier, signé par O Globo publie des photos d’affiches imitant le mouvement suprématiste Ku Klux Klan placardées un peu partout dans la ville de Fluminense dans la Grande Rio. Les Noirs, les habitants du Nordeste brésilien et surtout les musulmans sont la cible de ce groupe qui opère essentiellement à la tombée de la nuit.

Le second est un article publié par BBC Brasil qui dresse le portrait d’Henrique Maia, fondateur de la milice non armée Guardian Angels Brasil, un mouvement qui s’inscrit dans la lignée d’un groupe de vigilantes new-yorkais connu pour ses actions dans le Bronx au début des années 1980.
A la décharge de ce groupe, soulignons que ses actions ne sont pas basées sur des critères racialistes.
Un infirmier sénégalais insulté sur Internet
Il sauve une vie dans le métro, reçoit une cinquantaine d’offres d’emploi puis se fait insulter sur Internet [Lire en espagnol sur El País]. C’est en résumé l’exploit réalisé par un dénommé Moussa, infirmier pendant plus de 15 ans au Sénégal et travaillant aujourd’hui dans une fabrique.
C’est encore une de ces belles histoires que l’on trouve sur la Toile, un jeune homme – pour le coup, un véritable héros – sauve la vie d’une femme victime d’un malaise cardiovasculaire. Cette bonne action le rend célèbre et fait connaitre l’histoire de cet infirmier immigré et sous-employé.
S’en suivent plusieurs interviews, des offres d’emploi (une cinquantaine) et la jalousie des internautes des sites d’information les plus lus. On se demande ce que font les modérateurs. Complices, complaisants, indifférents, ces derniers laissent s’exprimer des lecteurs dont le racisme et la xénophobie ne feraient pas rougir un lecteur du blog d’Ivan Rioufol.
Soyons nous-mêmes…
Aujourd’hui, j’ai très envie de conclure mon billet par un choix musical comme mon ami JR. Qui d’autres, sinon femme noire, étrangère dans son propre pays, exilée en Afrique puis aux Barbades… une femme de combat : Nina Simone
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