José Padilha: « Avant d’occuper les favelas, c’est la police qu’il faudrait occuper »

Article : José Padilha: « Avant d’occuper les favelas, c’est la police qu’il faudrait occuper »
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10 septembre 2015

José Padilha: « Avant d’occuper les favelas, c’est la police qu’il faudrait occuper »

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Faut-il avoir la cervelle complètement en bouillie pour apprécier « Narcos » de José Padilha? Le cinéaste brésilien emprunte dangereusement les sentiers battus par Luc Besson: ceux qui consistent à construire des oeuvres d’une mièvrerie dérangeante, presque gênante, pour quiconque essaye de porter un jugement objectif sur ses films.

Je n’irai pas jusqu’à dire que Padilha tombe dans un discours manichéen, au contraire. Chez lui, tout est forcément complexe. Trop complexe. On aurait même envie de lui suggérer de faire plus simple. L’utilisation constante d’une voix-off encombre le récit au point d’en être absurde. Citons seulement ce passage du deuxième épisode où Pablo Escobar est arrêté – ce spoiler est absolument nécessaire, sorry. Alors qu’il passe par l’identification des criminels, l’omniprésente voix-off nous prédit l’avenir: « Pablo ne le sait pas encore, mais cette photo lui apportera beaucoup de souffrances ». Etait-il nécessaire de le dire ? José Padilha croit tellement en sa propre complexité qu’il nous explique ce qui apparaît comme une évidence.

Capture d'écran d'une scène de "Narcos" mise en ligne sur Netflix
Capture d’écran d’une scène de « Narcos » mise en ligne sur Netflix

A en juger par certains critiques brésiliens, le réalisateur du très acclamé « Troupe d’Elite » témoigne son admiration à Martin Scorsese en insérant intempestivement une voix-off dans ses films. Le geste est louable. Pour autant, il sert plus à le rassurer dans ses certitudes qu’à rendre hommage au réalisateur de Goodfellas. Padilha veut nous faire croire qu’il a raison, et pour ce faire il nous prive de tout jugement autre que le sien.

Une récente interview du réalisateur nous le confirme. A ses risques et périls, José « do Brasil » – comme l’a nommé un critique carioca – se livre à l’exercice de l’analyse politique n’hésitant pas à égratigner l’ancien président Lula da Silva qu’il traite « d’escroc de seconde zone ».

Padilha fustige la corruption qui gangrène le Brésil (et il a raison); réprouve l’initiative des polices communautaires (UPP) qui « occupent » les favelas afin de les pacifier: « Avant d’occuper les favelas, c’est la police qu’il faudrait occuper« . Suivez mon regard.

Revenant sur l’un des faits marquants de l’année 2015, l’assassinat d’un médecin d’une cinquantaine d’années à Lagoa de Freitas, un quartier chic de Rio de Janeiro, alors qu’il faisait du vélo, Padilha s’engage finalement sur le terrain glissant de l’aveuglement de classe. « Jamais, dit-il, ce crime ne se produirait sur Central Parc. On bouclerait New York, il y aurait cinq cents policiers dans le secteur ». Rien que ça…

Bah oui, qu’attendent-ils pour boucler Rio ? Tiens, « Rio, La Cité Interdite », ça ferait un bon titre de film. Escape from Rio, voilà un joli titre pour un troisième opus de la série de John Carpenter.

Toujours est-il que le cinéaste nous révèle que la sauvagerie – sic – dans laquelle le Brésil est empêtré l’a poussé à réaliser cette « cure » new-yorkaise de quatre ans. C’est plus sûr aux Etats-Unis…

Soit. Mais Padilha a-t-il lu ce reportage du New York Times sur le danger que cela implique de naître noir au pays de l’oncle Sam ?

Si cette fameuse interview ne traite pas à proprement parler de « Narcos », n’empêche qu’elle nous aide à décrypter la série produite par Netflix grâce à quelques éléments biographiques sur Padilha.

Netflix, par ailleurs, qui fait le grand écart en passant d’Orange Is The New Black à Narcos. Ce qui en fait un gros récidiviste (Marco Polo).

Si l’on espérait que le Troisième Age d’Or de la télévision américaine se poursuivrait sur cette plateforme de vidéo à la demande, José Padilha vient d’enterrer nos espoirs.

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Narcos – Netflix

Réalisateur: Jose Padilha. Scénaristes: Chris Brancato, Carlo Bernard, Doug Miro.

Casting: Wagner Moura, Pedro Pascal

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