Quand les peoples se ruent sur la mairie de São Paulo

On découvre incrédule les noms des peoples qui annoncent leur candidature à la mairie de São Paulo, plus vaste métropole de l’hémisphère sud et capitale économique du Brésil. Rien de ce qui se passe dans cette ville n’obéit à la logique humaine. L’Etat le plus instruit du Brésil ne cesse d’élire des personnages controversés aux plus hauts postes politiques: un clown à peine alphabétisé, Tiririca, élu député fédéral étant l’exemple le plus récent. Les électeurs de São Paulo font-ils un pied de nez aux politiques en plébiscitant leurs caricatures?
Ça en a tout l’air. Les hommes politiques brésiliens n’ont plus le moral. Les scandales à répétition ont terni leur image au point que les peoples se voient pousser des ailes et se présentent aux élections certains de remporter un poste public.
A Rio de Janeiro, Romário, le plus létal des buteurs du sport roi a été largement élu sénateur pour son Etat. S’il apparaît désormais en costume-cravate, le footballeur carioca n’a rien perdu de son folklore; ses déclarations sont toujours un pur régal. Toutefois, à tout seigneur tout honneur, o baixinho – le petit homme – semble avoir gagné le respect de ses confrères aussi bien que des journalistes en raison de son acharnement contre la corruption qui gangrène son pays.
En mode « pilote automatique »
Du côté de São Paulo, j’ai plutôt l’impression que la plus grande métropole du pays navigue en mode « pilote automatique ». Pour y avoir passé quelques jours en mai dernier, j’ai pu constater que le système de transport fonctionne de façon assez efficace. Le métro est très rapide et réduit considérablement la durée des déplacements dans la ville.
Même ce qui ne marche pas semble être plutôt acceptable pour nos amis paulistanos. Du côté d’Itaquera par exemple, s’il manque parfois de l’eau, la vue du joli stade des Corinthians permet toujours d’étancher d’éventuelles sources de frustrations…
Alors qu’on s’approche de la fin de l’année, certaines personnalités médiatiques officialisent leurs candidatures à la mairie de São Paulo. Ont-ils aussi l’impression que cette gigantesque métropole fonction de toute façon en mode « pilote automatique »?
Il est vrai que le maire gauchiste (et un peu gauche) de São Paulo, Fernando Haddad n’aura pas rempli le mandat le plus spectaculaire de l’histoire de l’Etat. Les philosophes ne font pas nécessairement des bons maires… Ce qui fait le charme de « l’administration Haddad », c’est qu’on a le sentiment qu’il n’y est pas du tout.
C’est déjà ça…
São Paulo, ville autonome donc. Littéralement. Sinon qu’est-ce qui justifie que deux animateurs de télévision – l’un étant beaucoup plus connu que l’autre, il faut le dire – annoncent coup sur coup leur intention de briguer un mandat?
Tout d’abord, c’est José Datena qui s’est déclaré. Le personnage est complexe. Il aime le foot, c’est déjà ça. Avec sa voix nasale, il s’efforce d’intervenir lors des matchs de Ligue des Champions diffusés sur sa chaîne de télévision Band. C’est déjà ça !
Mais, l’homme est surtout connu pour son émission quotidienne Brasil Urgente, une espèce de téléréalité sur la violence urbaine à São Paulo. Vous savez, ces émissions de télé où les caméras suivent en direct l’action des policiers, sauf qu’ici, ça peut devenir très très dangereux…
Attention, violence !!!
« Standard, ici le maire! »
Celso Russomanno est l’autre people qui se présente. Lui, il roule pour Record. La chaîne de télévision rivale de Globo. Celui-ci présente une émission indéfinissable dont le pitch semble être la résolution des conflits entre consommateurs et entrepreneurs pas toujours honnêtes. Autant vous dire que l’on nage en mer profonde du populisme et de la démagogie journalistique. Espérons qu’il garde le standard ouvert s’il est élu… hum, hum !
En tous les cas, cette année la course à la mairie de São Paulo risque aussi d’être celle des « paparazzi ». A côté de ces deux présentateurs vedettes se présente un… autre présentateur d’émission de télé. Vous l’aurez compris, on est en pleine téléréalité.
João Doria, présente également une émission d’interview sur la chaîne Band. Homme d’affaires plus que journaliste ou animateur, l’homme apprécie le bling-bling. Il sera peut-être le plus à l’aise lors des débats (s’il y arrive) car habitué à interviewer… des peoples. Je ne le fais pas exprès, c’est promis.
Je me suis souvent demandé comment une ville comme São Paulo (et plus largement l’Etat de São Paulo) continuait d’élire des gouvernements conservateurs malgré un niveau de culture relativement élevé par rapport au reste du pays? J’ai vite compris en y passant un moment que « Sampa » n’avait pas besoin de gouvernant. La ville est en autogestion. En mode pilote automatique.
Alors, élire un philosophe, un clown ou un people, qu’est-ce que ça change au fond?
______
Partagez ce billet s’il vous a plu.
Suivez-moi sur Twitter pour en savoir plus sur le Brésil: @sk_serge
Commentaires