Victoire de la droite en Argentine: nouveau cycle en Amérique Latine?

Un nouveau cycle politique est-il en marche en Amérique Latine ? On peut dire que oui. La gauche est au pouvoir dans plusieurs pays importants de la région depuis plus de douze ans. Elle n’a pas pu empêcher une crise économique et une forte inflation de frapper de plein fouet les foyers. La bataille idéologique perdue par la gauche aux élections présidentielles de ce week-end (notamment sur les médias sociaux), on doit s’attendre effectivement à un grand changement des équilibres politiques dans la région.
La gauche brésilienne est sonnée et accuse la victoire de Mauricio Macri aux élections présidentielles en Argentine comme un coup de massue.
Moi qui consacre mes recherches aux médias sociaux, il ne m’a pas échappé que la droite est mieux organisée (et de ce point de vue, elle obéit aux enseignements de Mosca et Pareto sur la « Théorie des élites »). Pour autant, ce qui m’étonne c’est l’absence de réaction ou d’initiative de la part de la gauche.
Toute bataille politique est avant tout idéologique, en accord avec Gramsci. Il serait mieux que les militants ainsi que les partis politiques de gauches investissent ce champ où sont menés les combats idéologiques les plus décisifs de notre époque, à savoir les médias sociaux.
L’alternance politique en démocratie
Dans une analyse datant d’Octobre 2014, je proposais déjà une grille de lecture de la conjoncture politique brésilienne que l’on peut aisément transposer à l’Argentine et aux autres pays qui ont effectué leur virage démocratique à gauche après les années de dictature militaire. J’avançais notamment l’idée qu’en toute démocratie, plusieurs années consécutives d’un même courant politique au pouvoir, produisent une certaine lassitude.
Lire l’analyse: Seize ans sans alternance politique au Brésil.
En science politique, cette lassitude renvoie aux perceptions des électeurs pour qui une telle situation transmet la fausse impression qu’il n’y a pas d’alternance. De plus, une certaine progression économique chez une population de classe moyenne fait qu’elle se désintéresse des questions politiques profondes. A cela s’ajoute les effets délétères d’une crise économique certes mondiale, mais dont les conséquences se font ressentir dans « le panier de la ménagère », les effets ne peuvent que provoquer le rejet du gouvernement en place.

La bataille idéologique sur les médias sociaux
Sans vouloir proposer une analyse des causes profondes de la radicalisation islamiste en France, je profiterai de l’actualité pour expliquer la bataille idéologique. Cela fait un moment que je le dis sur ce blog: les mouvements conservateurs se renforcent en Amérique Latine et rencontrent un terrain fertile sur les réseaux sociaux.
Au Brésil, il suffit de lire les commentaires sur les différents forums de sites d’information pour s’en rendre compte. La parole de droite s’est libérée. A vrai dire, c’est la parole de l’extrême droite qui s’émancipe. La parution, dans le journal La Nación, d’un éditorial au ton polémique dédouanant les tortionnaires du régime militaire, au lendemain même de l’élection de Macri est symptomatique.
Trabajo en La Nación, pero no comparto el editorial de hoy. No soy el único periodista de LN que piensa así. Eso.
— Ricardo Sametband (@rsametband) 23 novembro 2015
– Je travaille pour La Nación, mais je ne partage pas l’opinion de cet éditorial. Je ne suis pas le seul journaliste de LN dans ce cas. Voilà.
Preuve qu’un travail républicain doit encore être accompli dans nombre de ces pays où le dialogue démocratique devient de plus en plus difficile.
Lire sur le site du Monde-Diplo: Vers la fin du Kirchnérisme en Argentine?
Quelles relations avec le Brésil ?
On savait que Dilma Rousseff et son homologue argentine Cristina Kirchner étaient plutôt proches. Les liens historiques qu’entretiennent les partis de gauche en Amérique du Sud y sont pour beaucoup. Le projet commun du renforcement de la coopération régionale dans le cadre de l’Unasur a joué un rôle dans ce rapprochement. Pour autant, le silence qui a suivi l’élection de Macri du côté de Brasília inquiète. Aucun commentaire de félicitations publié sur le compte Twitter pourtant très actif de la présidente Rousseff, pas de communiqué non plus sur le site internet de la présidence du Brésil.
Il faudra voir comment la présidente Dilma Rousseff se récupère…

Actualisation du billet: Dilma Rousseff a téléphoné au nouveau président élu en Argentine Mauricio Macri. Les deux personnalités ont échangé pour un peu moins de dix minutes. Aucun message sur les réseaux sociaux.
Bonus:
Le président élu de l’Argentine Mauricio Macri est un personnage connu dans le milieu du football pour avoir été président du mythique club de Buenos Aires, Boca Juniors. Ci-dessous Macri s’exprime sur le dopage de Maradona.
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Suivez-moi sur Twitter pour plus d’informations sur le Brésil et l’Amérique Latine: @sk_serge
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