Télévision : l’Africain idiot, on voudrait rire, mais…

Au Brésil, on considère qu’un Haïtien est un Africain. N’y voyez pas une espèce de prise de conscience post-colonialiste mixée de l’idéologie de la négritude. Non, c’est par pure ignorance. Un état de fait qui se ressent surtout dans les médias. L’Africain est une généralité, une banalité sans nom, sans identité, hybride et grotesque. Une émission de la chaîne de télévision Band cristallise tous les clichés sur l’homme noir et l’Africain. Mais, il paraît que cela doit nous faire rire.
Il y aurait beaucoup à dire ici. Doit-on encadrer l’humour ? Les Haïtiens victimes d’une tentative d’assassinat à São Paulo, etc. Tout cela en dit long sur le statut des Noirs au Brésil. Je me souviens bien de ce jour où en sortant du Carrefour une femme arrête sa voiture à ma hauteur pour me demander si j’étais Haïtien… J’imaginais bien qu’elle souhaitait témoigner sa solidarité envers le peuple haïtien, d’où cette interpellation plutôt maladroite à laquelle je n’ai d’ailleurs pas répondu.
Néanmoins, ce geste est aussi la preuve d’une ignorance sans bornes. S’il faut arrêter tous les Noirs dans le pays sous prétexte qu’ils ressemblent aux Haïtiens, nous ne sommes pas sortis de l’auberge… Notez bien qu’ici, « Haïtien » prend curieusement un nouveau sens, il acquiert le statut d’une race.
Pour en revenir à l’humour et donc à l’objet de cette note, je vous soumets tout de suite la vidéo qui crée la polémique.
Il s’agit d’une tranche de l’émission Pánico na Band – Panique sur Band TV – à l’humour très franchement douteux. Sur un tout autre registre, il convient de dire que l’émission est un condensé de machisme et de sexisme; les femmes y étant exposées comme de la chair fraîche tout juste bonne à se trémousser le derrière. Le cadrage du caméraman, très subjectif, n’hésite pas à se focaliser sur une paire de fesses bourrées de silicone. Bon appétit !
On y voit ensuite un jeune homme assez maigre (premier cliché sur les Noirs au Brésil, et surtout les criminels… pas les politiques, hein!) descendre d’une Mercedes blanche. Le sujet n’a pas de nom. Pas besoin, le seul adjectif africano suffira. On retiendra qu’il est blanc et que pour représenter un jeune Africain, il a recouvert sa peau d’une peinture noire. Ça ne vous rappelle rien?
A partir de là, tout est permis. On nous présente un personnage grotesque, caricatural, frisant la folie; car, tenez-vous bien, il mange des cigarettes… Une petite concession lui est faite. Il aura droit à un deuxième nom, moins général mais tout aussi troublant. On l’appellera aussi Zulu. Tiens donc, on évolue. Il y a quelques années, on l’aurait appelé angolano.
Lorsqu’on lui demande de parler, on atteint le summum du racisme déguisé en humour. L’africano hurle dans un langage qui fait qu’on lui devine une parenté avec le Chewie du Star Wars ou, pour les plus jeunes, avec le Groot de Guardians of the Galaxy, la nouvelle franchise de « Marvel ».

Voilà à quoi se résume le divertissement à la télévision brésilienne. On y ridiculise chaque jour une catégorie de personnes que déjà l’histoire de ce pays n’a pas épargnée. Quotidiennement, les Afro-Brésiliens, les Africains et maintenant les Haïtiens doivent vivre avec cette représentation caricaturale, raciste et soit-disant humoristique produite par les médias.
Et gare à vous si vous ne la trouvez pas drôle!
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