Elections au Brésil: qui pour battre Dilma?

On avance, lentement mais sûrement. En novembre prochain, les Brésiliens seront appelés aux urnes pour choisir leur nouveau président, qui pourrait ne pas être si nouveau que ça. Je vous propose aujourd’hui de faire la connaissance des quatre favoris à l’élection présidentielle de 2014.
Dilma Rousseff, l’héritière émancipée
Dona Dilma est une femme forte, personne n’en doute. Son passé dans la lutte contre la dictature militaire la place au-delà de tout soupçon. Même si actuellement elle se fait ballotter par la crise mondiale, notamment par les oscillations du dollar (dont le prix ne cesse de monter depuis 5 mois). Ben Bernanke donne des sueurs froides au Palácio do Planalto à Brasília, et cela pourrait bien avoir des conséquences en 2014.

Mais une éventuelle défaite de Dilma Rousseff en 2014 ne saurait être pronostiquée par aucun devin, car si la présidente est loin de faire LE mandat rêvé, ses adversaires n’ont pas le charisme suffisant pour lui faire opposition. Oui, au Brésil la politique fonctionne encore sur la base du charisme. Cela me rappelle assez la situation de frau Merkel en Allemagne.
En outre, les “manifestations de juin” (lire ici) ont révélé un clivage social non négligeable.
Malgré des vents contraires, Dilma est la favorite de l’élection avec ou sans l’appui de Lula de moins en moins visible sur la scène médiatique, ce qui n’est pas plus mal, à mon avis.
Aécio Neves, synthèse du passé et du futur?

Passé? Comment cela? Simplement parce qu’Aécio Neves est le neveu et l’héritier politique d’un président brésilien qui n’aura jamais dirigé parce que décédé un mois avant le début de son mandat. Tancredo Neves était un typique mineiro¹, modéré, négociateur et conciliateur. C’est à lui que furent confiées les clés du pays après la dictature. Il devint le premier président de la nouvelle démocratie brésilienne, même s’il ne fut pas élu par le peuple, mais bien par le Congrès.
À cette époque, une vague de manifestations s’éleva dans le pays, As direitas já² fut le slogan d’une ère où la population affirmait désormais son droit à la participation politique.
Malade, Tancredo Neves qui était reconnu comme l’homme du consensus ne lutta pas longtemps. La légende raconte qu’il défia les dieux juste après son élection, ceux-ci ne lui laissèrent guère le temps de gouverner… Après sa mort, c’est José Sarney, un vieil oligarque du Maranhão qui devint président.
Deux choses pourraient toutefois éviter que Aécio Neves se rende au rendez-vous de l’histoire : son style de vie, plutôt play-boy et les “faucons” de son parti, le PSDB (social-démocrate) comme José Serra, ancien gouverneur de São Paulo.
Plusieurs fois, le jeune politicien Aécio Neves a été impliqué dans des “affaires”, comme cette nuit où il fut arrêté à Rio de Janeiro au volant de sa voiture alors qu’il n’avait pas de permis de conduire.
Il y a aussi l’historique récent de son parti, qui est aussi celui de l’ancien président Fernando Henrique Cardoso (très connu à Paris, surtout dans les milieux académiques), ce dernier lança les privatisations des années 1990 sous l’égide des institutions de Breton Woods – le fameux consensus de Washington. Une pilule plutôt amère que les Brésiliens ne lui pardonnent pas.
Eduardo Campos, l’indécis…

Lors des élections municipales de 2012, il est apparu comme le principal adversaire éventuel de Dilma Rousseff parce que son parti domine désormais le Nordeste du pays, fief électoral de Lula da Silva, et donc du Parti des travailleurs (PT).
A São Paulo, c’est Fernando Haddad – proche de Dilma – qui l’emporta, mais à Campinas, la deuxième ville la plus importante de l’Etat de São Paulo, c’est un proche de Eduardo Campos qui fut élu maire avec l’aide de Aécio Neves. Tiens donc!
Certains analystes y ont vu une future alliance entre les deux politiciens contre Dilma Rousseff, d’autant qu’au Brésil, on ne peut gouverner sans une large coalition autour du président.
Néanmoins, à l’heure actuelle personne ne peut dire quel sera le choix de Campos, gouverneur du riche Etat de Pernambuco. Une alliance à gauche est possible, celle à droite également. Le présidentialisme de coalition au Brésil est un véritable Frankenstein politique. Tout est donc possible. La situation la plus convenable pour Eduardo Campos serait de s’allier à Dilma en attendant 2018 pour concourir librement face à un Aécio Neves affaibli et saboté par son parti.
Marina Silva, écolo et évangélique
“Il est préférable pour un pays d’avoir une mauvaise élite que de ne pas en avoir du tout”, cette phrase fut prononcée par Marina Silva en 2008 alors qu’elle était encore sénatrice. C’était aussi avant qu’elle ne soit ministre de l’Environnement sous Lula.

Quelques temps après, elle quittait le PT pour concourir à l’élection présidentielle de 2011 où elle s’imposa comme une alternative politique et sociétale. Mais quelle alternative?
Cette autodidacte très respectée par les médias et jouissant d’une évidente sympathie de la population, a un agenda politique écologique très clair. Elle prône un “capitalisme vert”, “capitalisme écolo”, soit une vision plutôt moderne et responsable.
Pourtant, à côté de cette tendance moderne, elle, Marina Silva est aussi le porte- étendard des évangéliques, d’où l’emploi d’un certain discours conservateur contre le mariage homosexuel ou la dépénalisation des drogues légères.
¹ Habitant de l’Etat de Minas Gerais, au Sudeste brésilien. Ils sont connus pour le sens de la négociation et du compromis.
² Série de manifestations dans les années 1980, décennie fatale pour le régime des militaires, revendiquant l’adoption d’élections universelles, notamment pour celle du président de la République. Les négociations entre les élites militaires et démocratiques décidèrent l’organisation d’élections indirectes.
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