Comment le « nouveau » Brésil voit-il l’Afrique?

Le nouveau ministre des affaires étrangères du Brésil, José Serra, a tenu un discours ambigu sur la place qu’il voudrait accorder à l’Afrique dans sa nouvelle gestion des relations « sud-sud ». Fini « le paternalisme publicitaire » du Parti des Travailleurs. Désormais les rapports seront uniquement commerciaux et se feront dans une optique bilatérale. Au cas par cas.
La veille de son discours inaugural, José Serra avait informé « ses » missions diplomatiques, et qu’il attendrait un rapport sur les dépenses de chacune d’elles. Logique productiviste ou simplement un traitement d’égal à égal vis-à-vis du continent africain? En tous les cas, il y a une indication assez claire de prochaines fermetures des missions diplomatiques en Afrique.
Est-il logique qu’un pays comme le Brésil, dont la 54 % de la population se déclare « afro-descendante », n’entretienne que des rapports commerciaux (mais aussi des échanges technologiques) avec le continent africain? Ne serait-on pas en droit d’espérer plus?
Immigration choisie
En réalité, l’histoire du Brésil après l’abolition de l’esclavage a toujours été celle d’un reniement systématique de ses origines africaines. Le Brésil s’est davantage rapproché du Japon ou des Etats Unis, voire même de la France dont il emprunte sa dévise positiviste ordre et progrès, que de l’Afrique. L’anthropologue canadienne Francine Saillant explique ainsi ce rendez-vous manqué :
Au Brésil, le récit officiel concernant la mémoire de l’esclavage diffère nettement de la vision des leaders du mouvement noir contemporain, notamment à propos de la situation et des conditions de vie des Afro-Brésiliens à Rio de Janeiro. Ce mouvement demande à l’État et à la société brésilienne de reconnaître les conditions misérables dans lesquelles les esclaves ont été laissés après l’abolition de l’esclavage, mais aussi la contribution des esclaves à la construction de la société, de l’économie et de la culture brésiliennes
Plus clair encore est l’analyse du chercheur Márcio de Oliveira pour qui l’immigration au Brésil a toujours été bien choisie:
(…) Lorsqu’on analyse en détail les moyens d’attraction mis en place par l’État et par les États1, pour les divers groupes ethniques, on s’aperçoit que de grandes différences les séparent. Pour ce qui est des Italiens ou des Japonais par exemple, leur arrivée a été directement subventionnée par l’État brésilien comme par l’État de São Paulo.
Une politique revancharde?

Dans un discours offensif, José Serra, ancien gouverneur de l’Etat de São Paulo et nouveau ministre du gouvernement Temer, s’en est particulièrement pris au Parti des Travailleurs et à Lula da Silva auxquels il reproche « une politique étrangère multilatérale qui a échoué » et de surcroît, « regardant vers le passé ». « L’Afrique moderne, avance-t-il, n’a pas besoin de notre compassion, mais attend des échanges économiques, technologiques et des investissements ».
« Nos échanges ne peuvent plus se limiter aux rapports fraternels du passé et aux correspondances culturelles, mais doivent, essentiellement, forger des partenariats concrets ancrés dans le présent et visant le futur », a-t-il poursuivi dans sa neuvième directive pour la nouvelle politique étrangère du Brésil.
Pourquoi devrait-on croire qu’un gouvernement qui n’aura réservé aucune place aux afro-brésiliens lors de la répartition des ministères, comprend [mieux que le PT] ce qu’est l’Afrique d’aujourd’hui? En tous les cas, les prochains pas du ministre José Serra seront attentivement observés…
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