Quand le virus Zika révèle des inégalités sociales au Brésil

« Les femmes doivent éviter de tomber enceinte! ». Voici l’une des phrases les plus entendues et lues ces derniers mois dans les médias en général et particulièrement sur les réseaux sociaux. Après que le Ministère de la Santé ait annoncé une « possible » corrélation entre l’occurrence de la microcéphalie chez les nouveaux-nés et la contamination [de leurs mères] par le virus Zika pendant la période de gestation, un terrorisme médiatique s’est peu à peu installé au Brésil. Ce raccourci, dont la méthodologie a été remise en question par plusieurs anthropologues cache également une stratification sociale que personne ne veut assumer.
Le Zika, les noires et les blanches
Oui. Il faut assumer cette analyse. Il faut méconnaître le Brésil pour penser que les femmes noires sont exposées à la même enseigne que leurs compatriotes blanches des classes plus aisées. Loin de moi l’idée d’adopter une posture complotiste sur ce blog; toutefois, il est intéressant de s’attarder sur la lecture de l’anthropologue brésilienne Débora Diniz qui dénonce la campagne médiatique visant à terroriser les femmes à défaut de proposer de mesures sanitaires plus intelligentes.
Une fois que la corrélation entre le « Zika virus« , comme il est également connu, et la microcéphalie chez les nouveaux-nés n’est pas encore démontrée scientifiquement, il apparaît que toute interdiction de tomber enceinte faite aux femmes relève pure et simplement du contrôle de natalité.
Sur les réseaux sociaux, il n’est plus rare de tomber sur des messages sans aucune objectivité appelant les femmes à ne pas tomber enceinte.

De qui parle-t-on objectivement?
A y regarder de plus près, ce ne sont pas les femmes blanches les plus concernées par ces alertes de panique. En 1995, une étude menée par des scientifiques de l’Université de São Paulo établissait une corrélation entre la race des individus et l’accès à l’assainissement. L’étude concluait [PDF en portugais] que les inégalités sociales qui ont déjà des déterminants raciaux produisaient des incidences selon les races.
En 2013, une étude encore plus concluante de la chercheuse Sônia Beatriz dos Santos montrait de la même manière que les familles noires se retrouvent au bas de l’échelle sociale sur la question de l’accès à l’assainissement. Plus encore que les inégalités raciales déjà conséquentes – 77 % des blancs ont accès aux infrastructures publiques d’assainissement de l’environnement contre 60 % des noirs – , ce sont les inégalités sociales qui sont les plus flagrantes: les noirs vivant dans de conditions de vulnérabilité les plus évidentes.
Les quartiers à prédominance noire sont ceux où l’on compte plus de cas d’internations causées par la diarrhée et également un manque d’égouts.
Il semble donc évident que ce droit jusqu’ici naturel de chaque femme de tomber enceinte soit devenu malheureusement le privilège des seules riches. En somme, là où l’Etat peine à proposer des solutions qui soient de l’ordre d’une politique de santé publique [égalitaire] bien pensée, nous sommes reduits à accepter un contrôle de natalité pour les pauvres imposé par ce maudit virus Zika.
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