13 novembre 2015

#IGF2015: les bons et les mauvais points du Forum de la Gouvernance d’Internet

 

https://pt.wikipedia.org/wiki/Internet#/media/File:PikiWiki_Israel_32304_The_Internet_Messenger_by_Buky_Schwartz.JPG
Obra Internet Messenger, de Buky Schwartz em Holon, Israel

Poeta Ronaldo Cunha Lima Conference Center, voilà un bien joli nom pour un édifice qui représente, jusqu’à preuve du contraire, l’image parfaite de la ségrégation économique qui prévaut dans les grandes villes brésiliennes.

Ce Forum de la Gouvernance de l’Internet est aux antipodes de ce que fut le Forum Mondial de la Francophonie à Liège. Pour avoir participé aux assises du #FMLF2015 à Liège (Belgique) en juillet 2015, je ne peux m’empêcher de penser que ce contraste en termes d’organisation et d’inclusion entre les deux événements témoigne de deux idées distinctes de société.

A ce propos, les mots d’un taximan qui m’y conduisait sont révélateurs: « C’est culturel, les autorités politiques ont ‘privatisé’ l’événement, seuls deux ou trois personnes en tireront profit ». Comme quoi, un taximan peut donner un avis tout aussi bien pertinent que celui d’un correspondant de Mediapart au Brésil. Il serait intéressant d’observer pour les prochaines années les effets concrets de ce Forum sur la ville de João Pessoa.

Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil

This year’s IGF will focus on a range of sub-themes, including Cybersecurity and Trust; Internet Economy; Inclusiveness and Diversity; Openness; Enhancing Multistakeholder Cooperation; Internet and Human Rights; Critical Internet Resources and Emerging Issues.

Au regard du projet et des promesses, disons tout de suite que la diversité et l’inclusion n’étaient pas, dans les faits, des priorités. Comment peut-on évoquer l’inclusion sociale lorsque pour se rendre sur les lieux du Forum il fallut dépenser au moins 20 dollars par jour pour un taxi. L’endroit est parfaitement inaccessible en Bus. Alors, certains diront, « mais de quoi il se plaint? Ce ne sont que quelques malheureux dollars ». Sauf que quand tu es dans une ville comme Paris ou São Paulo, tu t’attends à ce qu’il y ait d’autres options de mobilité que de dépenser 20 dollars pour aller d’un point A à un point B, désolé! J’ai même eu l’impression que si je venais de l’étranger cela m’aurait coûté moins cher en logistique. Bref, ce Forum a été organisé pour tout le monde sauf pour les habitants de João Pessoa et c’est bien regrettable. 

A cela s’ajoute que pour ceux qui n’auraient pas fait en amont une inscription sur le site de l’ONU, toute entrée était interdite. Pour un forum basé sur l’idée d’inclusion, il fut tout de même très prohibitif.

Une personnalité importante de la « gouvenance d’Internet » dans le monde m’a avoué « en off » sa déception par rapport à ce Forum confiné à l’extrémité de la ville.

Deuxième journée au Forum

Direction le Centro de Convenções de João Pessoa pour obtenir mon accréditation; le bâtiment qui abrite le forum possède d’ailleurs la plus grande salle de conférence du Brésil; la deuxième d’Amérique Latine.

Dès mon arrivée, première déception: sans accréditation, le commun des mortels n’aura pas accès au forum, ce qui me semble déjà problématique pour un… « forum ».

Deuxième aspect: comme un peu partout au Brésil, j’ai eu une énième preuve que la Police Fédérale nous fournit (aux étrangers) une carte d’identité que les autorités brésiliennes ne connaissent pas ou ne font aucun effort de « comprendre ». Il aura fallu six personnes pour décider que la pièce d’identité (très belle au passage) que je leur présentais pouvait être considérée comme une ID Card « délivrée par les autorités compétentes » – tel que mentionné sur le site du forum -. Ciel !

Participants are required to go to the badging desks with a printed copy of the registration confirmation and a picture ID issued by a national authority of a state recognized by the United Nations.

Facile à dire.

J'ai quand même pu récupérer mon badge #IGF2015
J’ai quand même pu récupérer mon badge #IGF2015

Ce sont là malheureusement les effets de la sous-traitance. Des personnes sans compétences sont placées un peu partout et nous devons nous y faire. La même chose m’est arrivé un jour à l’aéroport de São Paulo. Un agent de contrôle des frontières était incapable de reconnaître mon document d’identité.

Le prix de la communication

S’il y a bien quelqu’un qui mérite le prix de la communication c’est bien le congolais Arsène Tungali, activiste pour les droits de l’homme dans la région des Grands-Lacs, sélectionné pour les #Yali2015, un garçon vraiment dynamique.

Un vrai plaisir de le rencontrer. J’ai le sentiment que nous aurions dû nous connaître depuis longtemps d’autant plus que nous avons beaucoup d’amis en commun, sans parler du fait que nous possédons tous les deux des racines dans l’île d’Idjwi au Nord-Kivu.

Son compte Twitter était vraiment le must de cette édition du #IGF2015.

La « manif » du contre-Forum

Qui dit Brésil dit manifestations. On n’allait pas déroger à cette règle lors de ce Forum de la Gouvernance d’Internet. Pour le coup, c’est Marc Zuckerberg qui en a fait les frais. Dès l’ouverture officielle du forum par le ministre de la Communication du Brésil, André Figueiredo, un groupe des manifestants s’introduit dans la salle de conférence archicomble désorientant la sécurité…

Perplexes, les officiers de l’ordre n’ont pu empêcher les manifestants d’arborer des banderoles contre l’initiative Internet.org.

Lundi déjà, une amie m’informait qu’un contre-forum avait lieu en marge du #IGF2015, preuve que tout n’est pas beau dans ce genre d’événements. Evidemment, les paricipants étrangers ont eu de fortes sensations, la preuve sur le réseau social Twitter:

Un groupe de manifestants interrompt le ministre de la communication lors de l'ouverture officielle du Forum
Un groupe de manifestants interrompt le ministre de la communication lors de l’ouverture officielle du Forum

Pas évident d’être le centre du monde.

Les belles rencontres

De gauche à droite: Chancel Malanga, Serge Katembera et Arsène Tungali
De gauche à droite: Chancel Malanga, Serge Katembera et Arsène Tungali

Ce qui a vraiment fonctionné lors de ce forum, c’est l’environnement très professionnels des assises et le cadre propice aux rencontres de tout genre. Or, c’est souvent ce qui manque à de nombreux forums où les participants sont tellement dispersés qu’ils finissent par ne pas avoir le temps d’échanger. Pour ma part, j’ai pu revoir des personnes rencontré en Belgique lors du #FMLF2015, mais également des acteurs de l’innovation technologique en Afrique. Je vous ai déjà parlé d’Arsène, ce gomatracien très dynamique – une vraie dynamite d’émotions. J’ai revu également un malien qui mérite un chapitre à part, Tidiane Ball (@tidianeball), fondateur du Donilab et porteur d’un projet récompensé par le Fire Awards (en partenariat avec Afrinic et Seed Alliance) grâce au projet Malisante.net.

La RD Congo se fait de plus en plus présente lors de rencontres internationales de cette nature. A Liège , j’avais été impressionné par le nombre de porteurs de projets en provenance du Congo. Là également un congolais avait remporté un prix de l’innovation. C’était donc le cas pour Chancel Malanga, cet ingénieur formé à l’Université de Kinshasa qui a développé un projet tech visant à améliorer le système d’implantation de notes d’étudiants dans les institutions d’enseignement supérieurs. Un système très en vogue dans les pays plus avancés.

Comment ne pas mentionner l’autre moment fort de ce forum, en tout cas de mon point de vue: le débat sur les responsabilités des grandes plate-formes d’Internet notamment sur la question des données (BigData); un débat auquel a participé Benoit Thieulin, président du Conseil National du Numérique de France.  C’était aussi l’occasion pour moi de constater que Google est mur d’arrogance qui ne s’intéresse qu’à son modèle économique.

En gros, le représentant de Google a expliqué que nous avions le choix entre une bonne expérience d’utilisation des services de Google Maps, par exemple (en échange de nos données personnelles), soit le service ne fonctionnerait plus correctement. Oushhh!

Ce n’est pas aujourd’hui que les gouvernements arriveront à leur imposer un quelconque agenda « démocratique ». Un premier pas dans ce sens serait d’y travailler en bloc tel que l’Union Européenne l’a montré pour la loi du droit à l’oubli.

_____

Pour plus d’analyses de l’actualité Brésilienne , suivez-moi sur Twitter : @sk_serge

Partagez

Commentaires