La crise brésilienne en six mots, selon BBC News

C’est d’une sympathique vidéo accessible en ligne sur le compte Youtube de la chaîne BBC News que je souhaite vous parler cette semaine. Elle explique de manière assez ludique, et dirons-nous, en anglais facile (!), la crise brésilienne en six mots-clés. Je n’ai pu m’empêcher de noter que la plupart de ces mots-clés font allusion au football. Focus sur ce florilège de mots-clés typiquement brésiliens et souvent péjoratifs.
1. Panelaço
C’est une forme de protestation politique qui consiste à faire du bruit avec des casseroles
Mode d’emploi : on se place à la fenêtre de son appartement (à son balcon, ça va aussi), on éteint la lumière – sauf une, pour qu’on sache d’où vient le bruit -, on attend que la présidente Dilma Rousseff apparaisse à la télévision pour un discours à la nation et hop, on tape de la casserole. Sans rythme, c’est l’idéal. Le but étant de couvrir la voix de la présidence par le bruit des casseroles.
Techniquement, faire du panelaço dans une favela ne compte pas. Il est souhaitable que cela se fasse dans des appartements luxueux… OK!
Lien avec le football : bien que BBC News ne le dise pas, on peut penser que la référence avec le football soit purement littéraire. Vous remarquerez (pour les lusophones et les Hispaniques) que panelaço rime avec golaço; un mot appartenant au vocable « gol » auquel on pourrait ajouter golzinho*.
Notez bien : les casseroles peuvent être importées de France ou d’Espagne comme on l’a vu récemment sur Internet.
2. Coxinhas
Personnellement, j’en raffole. Ok, ça ne doit pas être très sain, mais qu’est-ce que c’est bon… « La coxinha est un aliment à base de viande de poulet haché, recouvert de pâte moulée dans une forme ressemblant à une cuisse de poulet » (merci Wikipédia) qu’il faut frire comme des beignets. C’est un aliment traditionnel du Brésil. Eh oui, pas la peine d’en chercher à Mexico ou à Dakar.
Histoire : l’origine politique n’est pas claire… mais le mot renvoie à une personne de droite, bête , moche et méchante, celle-là même qui dit des choses un genre, un genre**. Oui, c’est ça: un genre, un genre, comme aiment à le dire nos amis camerounais. Bref, des choses qui n’ont pas beaucoup de sens.
3. Lava-Jato
Lave-auto ou car wash ou plus couramment kärcher, est le nom donné à une vaste opération menée par la police fédérale brésilienne ayant pour but de démanteler un réseau de blanchiment d’argent qui toucherait les plus hautes sphères du pouvoir. Plusieurs personnalités politiques sont mises en cause, mais également des grands opérateurs économiques comme le milliardaire Marcelo Oderbrecht mis aux arrêts le 19 juin.
Bien évidemment, dans cette affaire, tout le monde y va de son balai de nettoyage. D’un côté, les politiciens et les hommes d’affaires corrompus spécialisés dans le blanchiment d’argent et le nettoyage des coffres publics; de l’autre, la police et les juges spécialisés dans le « blanchiment des moeurs ». Allez, du balai !

4. Petrolão
Franchement, il aurait fallu plus d’imagination pour désigner le scandale de corruption qui frappe la société pétrolière Petrobras. C’est clair, il s’agit d’un plagiat délibéré du mot mensalão, tellement célèbre tant il avait ébranlé le gouvernement Lula. Non, vraiment, j’aurais préféré un autre mot, plus original, pas celui-ci qui me donne un sentiment de déjà-vu.
Bon, en même temps, au Brésil, la corruption est en soi, c’est du déjà-vu…
Lien avec le football: Petrolão, bien que pas trop sexy comme appellation évoque pour les amoureux du ballon rond des noms aussi populaires que ceux des stades Minerão, Castelão, Baradão… et maracanaço?. Euuh, naaan! Ça, c’est une autre histoire…
5. Pauta-Bomba
Les Brésiliens aiment les drames. Depuis qu’il a été lié par le principal témoin de l’affaire Lava-Jato au scandale de corruption (voir point 3), l’actuel président de la chambre des députés Eduardo Cunha – un typique coxinha (voir point 2)- menace de faire exploser le gouvernement Dilma Rousseff. Il s’est ouvertement déclaré opposant du palácio do Planalto.
Rapport avec le football: aucun.
6. Pedalada

Pedaladas fiscais renvoie directement au génie brésilien lorsqu’il s’agit de dribler le fisc. Ici, au fisc comme au football. On drible, on danse, on esquive comme dans le livre d’Olivier Guez, Eloge de l’esquive. Extrait :
Le dribble n’est pas né par hasard au Brésil. Les premiers joueurs noirs ont commencé à dribbler pour éviter les contacts avec les défenseurs blancs et éviter de se faire rosser sur la pelouse et à la fin des matchs. Il s’est développé sur les plages et les terrains vagues, avec une pelote de chaussettes ou une petite balle en caoutchouc. C’est un mouvement de hanche, similaire à celui des danseurs de samba et des lutteurs de Capoeira, ludique, acrobatique, marque des plus grands solistes. « Audace et joie » – la devise de Neymar. Le football est sublime, puéril, et s’il suscite tant d’émotions, il le doit au dribble brésilien : un art libre, joyeux, passionné, habité par les mots.
Référence au football: Le dribleur fiscal, le « passeur de jambes », c’est le Brésilien corrompu par excellence. Pédaler, c’est faire des passements de jambes. Aucune allusion au vélo, ni à Mathieu Valbuena… plutôt à Robinho, je dirais…
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* Pour désigner un petit but insignifiant ou un score de 1-0
** Pessoas que dizem coisa com coisa.
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