Une femme divorcée peut-elle faire une bonne présidente?

Cette année commence déjà d’une manière très stimulante. Je me suis réveillé un peu tard à cause de mes vacances prolongées jusqu’en mars. Comme d’habitude, une amie a pris le soin de me laisser un lien de blog pour égayer ma journée. Les blogueurs camerounais étaient à l’ordre du jour. Ensuite, en faisant la revue de ma time line pour savoir ce que j’avais manqué pendant mes 6 heures de sommeil (ô miracle !), je tombe sur un autre lien de blog, cette fois-ci, on m’emmène au Togo où les liens conjugaux sont disséqués par e-mails interposés: joli !
Je me souvenais parfaitement de l’article du blogueur Aphtal Cissé qui a motivé la réponse d’une mystérieuse lectrice dont on ne saura que quelques informations: elle est « divorcée, a trois enfants, travaille pour une banque et est aussi gérante d’une société qui fait dans l’importation des produits alimentaires ». Voilà pour le CV…
Déjà je félicite la ténacité et le courage de cette mystérieuse femme dont certains propos m’ont vraiment marqué, même si par moment je n’était pas tout à fait d’accord avec elle. Et d’ailleurs cela m’a inspiré ce billet.
Prenons cette citation:
l’une des décisions les plus importantes, les plus douloureuses, et les plus salvatrices qu’une femme puisse prendre, est de quitter le foyer conjugal, après des années de vie commune.
Comment ne pas être ému à la lecture de ces mots? Non seulement ici, le mariage n’est pas érigé en fétiche, mais le divorce non plus ne prend pas un sens arrogant comme celui que l’on constate chez la plupart des féministes. Tout ici est évalué selon l’expérience personnelle d’une femme qui a autant souffert de son divorce qu’elle en a réssenti une forme d’émancipation. Chapeau !
Ensuite, elle dit ceci pensant à l’avenir de sa fille:
Partout où elle se trouvera avec son homme, elle saura être humble et soumise, sans jamais devenir esclave d’un homme à qui on n’a pas su inculquer les valeurs de « savoir composer avec une femme.
Pourquoi soumise? Vous me direz que je suis donneur de leçons, soit. Mais si ce n’est un argument religieux, je ne vois pas ce qui motive la présence de cet adjectif au milieu d’une si belle phrase… ok, j’avoue, j’aime moi-même les femmes soumises, d’une certaine manière. Je suis africain quoi…
Ensuite, il y a cette citation qui me rappelle que le débat d’Aphtal et de sa mystérieuse lectrice s’ancre dans un schéma culturel déterminé:
Combien d’hommes ont jamais aidé des femmes à se réaliser ? Combien d’hommes se sont-ils sacrifiés pour la scolarisation, la formation continue, la remise à niveau, le progrès professionnel de leurs épouses ?
Eh bien, pas si loin que ça, je connais un exemple. Même si un exemple ne peut définir la règle. Mais il existe bien cette méthode scientifique qui consiste à partir du particulier pour en déduire une généralité… soit.
Ma prof a un doctorat qu’elle a obtenu au bout de quatre années vécues en Angleterre avec son mari. Celui-ci a dû tout abandonner pour aider son épouse à réaliser son rêve. Ils ont eu un enfant entre temps. A leur retour elle est passée professeure des universités (l’une des plus reconnues dans son domaine) et son mari a finalement commencé son doctorat. Cette année, elle va faire un post-doc aux USA, et dévinez quoi? Son mari arrête tout pendant une année afin de l’accompagner…
Pour moi, il ne fait aucun doute que tout est une question de culture. Evidemment que dans nos pays africains, un exemple comme celui de ma prof est difficile à rencontrer, d’où le défi lancé par la mystérieuse lectrice d’Aphtal. Mais dans un pays comme le Brésil, c’est une banalité… presque.
C’est ainsi que j’ai pensé à Dilma Rousseff tout comme à l’une des images fortes de ce début de 2015. Lors de sa prise de pouvoir pour son second mandat, la présidente Rousseff (divorcée) a paradé avec sa fille (mariée et mère d’un enfant). Là où on est habitué à voir un président avec son épouse ou son chef d’Etat-major, Dilma Rousseff rompt avec la coutume et installe sa fille à ses côtés… j’ai trouvé cela génial.

D’ailleurs, comme je le dis souvent ici, le Brésil est un pays très progressiste sur certains domaines. Le moralisme chrétien et surtout catholique est carrément mis de côté.
Le sénateur Aécio Neves, candidat malheureux lors des élections présidentielles en 2014 est lui aussi divorcé.
Il a marqué les esprits à l’époque où il était gouverneur du Minas Gerais parce qu‘il prenait ses fonctions accompagné de sa fille de 12 ans à l’époque…
Certes, on reproduit les valeurs familiales, mais on remarque surtout cette démarche qui consiste à rompre avec le modèle de la famille patriarcale.
Je trouve cette démarche importante car elle démystifie certaines croyances qui associent la compétence politique à la réussite familiale (entendez, le succès dans sa vie conjugale). De ce point de vue, le président français François Hollande est un personnage remarquable… c’est un homme qui se positionne constamment en rupture avec son milieu.
Les Etats Unis sont l’exemple type de ce moralisme qui s’applique à l’Etat, et ce, depuis les films de John Ford. Non seulement, le président de la République doit être marié et droit, mais également son vice-président.

En Afrique, j’ose croire que c’est également le cas, sauf peut-être pour les quelques pays dirigés par des femmes ou par un président officiellement polygame…

Le Brésil reste donc un laboratoire du progressisme et de l’innovation politico-démocratique (pardon pour le gros mot… ).
J’en arrive (enfin) à ma question initiale: une femme divorcée peut-elle faire une bonne présidente? Et inversement donc: un homme divorcé fera-t-il un bon président? La question a son intérêt puisque dans de nombreuses Constitutions africaines il est clairement stipulé que pour être présidentiable il faut être … marié.
Dites-moi quel rapport avec la politique ou la compétence ? Ou est-ce que le mariage est une preuve de compétence? Le pape appréciera…
Enfin, un autre exemple qui fait du Brésil un des meilleurs pays au monde (ah, ah…): le site Portal Correio nous apprend que la ville de Pilar, à 52 km de João Pessoa (PB), vient d’élire la travesti « Mãe » Shirley comme présidente du parlement municipal. Une première dans l’histoire du Brésil.
En tous les cas, lorsqu’il sera question de faire le bilan de la présidence Rousseff, on ne regardera pas son état-civil…
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