François Hollande au Brésil: quand la langue ne suffit plus

Lorsque je dis à mes amis brésiliens que je suis Congolais, ils préfèrent toujours penser que je suis français: “Mais tu es né en France et tu parles français…”, me disent-ils. “Oui, mais mes parents sont Congolais et je suis Congolais!”. J’abandonne très vite les explications trop complexes pour ces Brésiliens qui ne prennent en compte que le lieu de naissance pour déterminer leur appartenance. Mais, le fait qu’il s’agisse là de la France est aussi un facteur important qui amplifie cette confusion dont je suis trop souvent l’objet.
Les Brésiliens aiment la France. Mais la France ne l’a toujours pas compris.
Ces deux pays ont une histoire commune. Disons qu’elles se croisent, contrairement à ce que la plupart pense.
Sur le drapeau de mon pays d’accueil on peut lire “Ordem e progresso”, c’est-à-dire “Ordre et progrès”. Slogan du positivisme, ce puissant courant de pensée qui a fait le beau temps des contre-illuministes du 19ème siècle et de ceux d’un siècle plus tôt aussi: Saint-Simon en tête.
Le maître penseur “d’une certaine” modernité française, autoritaire aussi, et diablement admirée au-delà des frontières de l’hexagone. De l’Italie au Brésil, la pensée de Saint-Simon s’est bien exportée. On trouve encore aujourd’hui une église du positivisme à Rio de Janeiro.
Le Brésil ne nie pas cette influence française dans son histoire passée (son élite militaire a été formée en France) ou actuelle (l’ex-président Fernando Henrique Cardoso a enseigné à la Sorbonne, son épouse Ruth était une amie de Simone de Beauvoir).
Ici, vous trouverez un article très éclairant sur le rapport des Brésiliens aux Français, noirs de surcroît.
Le français est l’une des langues les plus admirées par ici, perçu comme étant plus glamour que l’anglais, plus chique aussi… Parler français, c’est être raffiné.
Cependant, le passage de François Hollande à Brasília est passé inaperçu. Une énorme déception étant donné le potentiel d’une relation franco-brésilienne mieux travaillée…
Le président Hollande est venu négocier la vente de ses avions de guerre Rafales (franchement, ses chances sont réduites) et accessoirement la question de l’exportation du poulet brésilien qui pose des difficultés aux éleveurs bretons (là encore…).

Il a aussi été question d’améliorer les échanges culturels entre la France et le Brésil, surtout en matière de travail des étudiants qui traversent l’Atlantique dans les deux sens. Un accord de Permis Vacances Travail devrait permettre aux jeunes français entre 18 et 30 ans de se rendre au Brésil et d’y travailler pendant un an. Intéressant mais pas assez à mon avis.
La visite de François Hollande est d’autant plus passée inaperçue que Carla Bruni Sarkozy ne l’accompagnait pas; le président socialiste n’a ni le charisme de Sarkozy ni la puissance d’Obama. Or, dans la société du spectacle ce sont les symboles qui frappent. Pas les beaux mots.
En vérité, si la France ne compte plus comme une grande puissance c’est aussi parce que le Brésil a grandi. Son économie s’est tournée vers Pékin, premier partenaire économique de Brasília.
Paradoxalement, cette même France continue de regarder le Brésil du haut de son piédestal, elle n’attire que les « Brésiliens d’en haut”…

Reste à savoir si les Bleus ne viendront pas ternir encore plus une image de la France fortement écorchée au pays de la Samba, à cause notamment de sa politique étrangère militariste de ces dernières années.
Veremos…
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