Endetté, jette ton téléphone

Article : Endetté, jette ton téléphone
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5 novembre 2013

Endetté, jette ton téléphone

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Télémarketing

Tout ce que je vais dire ici n’est pas forcément faux.

J’ai rencontré un homme dans un restaurant  qui a décidé de profiter du boom économique créé par Lula, c’est un consommateur impulsif. Récemment, il s’est procuré une nouvelle « voiture zéro », mais il ne la payera jamais… Je lui demande ce qu’il fera de sa dette, il me répond: “ah, maman Dilma va payer”. Parce qu’en fait, au bout de cinq ans, les comptes sont remis à zéro, le gouvernement annule les dettes des mauvais payeurs et la fête continue.

C’est un système vicieux et assez pervers qui s’installe au Brésil. L’Etat te pousse à consommer parce que l’économie doit rester rechauffée, il te protège également des banques qui ne peuvent pas réclamer leur argent directement et sont obligées de passer par des entreprises sous-traitées, celles-ci ne peuvent pas non plus saisir tes biens, et tu n’iras certainement pas en prison, c’est la démocratie.

Mais en même temps, ces entreprises peuvent t’appeller sur ton téléphone autant qu’ils voudront. Les banques peuvent donc t’appeller. C’est justement de ça que je veux parler parce que cette histoire de dette à la banque et une autre histoire d’opérateur téléphonique peuvent faire un sacré mélange suceptible de gâcher un week-end, ou carrément te donner un nouveau prénom…

Je m’appelle Rodrigo…

Et puis, il y a l’histoire des numéros de téléphone, ça vaut vraiment la peine que je te l’explique. Car au Brésil, un numéro de téléphone d’un même opérateur peut passer infiniment entre deux, trois, quatres ou cinq clients, et avec ça tout le lot de problèmes que tu imagines. Cette année par exemple, j’ai un nouveau prénom: Rodrigo.

Tout ça parce que mon opérateur, Oi, a décidé vers janvier de bloquer mon numéro de téléphone, je ne recevais plus d’appel et je n’en émettais plus. Mon numéro a été bloqué parce que je n’ai pas acheté de crédit pendant un mois. Mais, détail, je pouvais réaprovisionner mon compte sans problème. Du coup, un jour, je recharge mon crédit comme on dit, l’opérateur me confirme la recharge mais au moment où je veux effectuer l’appel, on m’apprend que mon numéro est bloqué… oookéé! Et mon argent alors, qui me le rembourse?

J’ai alors changé de numéro, j’ai acheté une nouvelle puce pour mon téléphone, tout ça pour découvrir que mon numéro, en fait, avait appartenu à un certain Rodrigo surrendetté auprès d’une banque… Oulala, en plus, à la même banque que moi… décidément!

Dès lors ma vie est un enfer. Ne crois pas que parce qu’ici on ne peut pas saisir tes biens, te jeter en prison pour une dette, la vie en est plus simple. Loin de là. L’enfer est tout autre. Si tu es endetté, tu es condamné à recevoir au moins 6 coup de files par semaine venant des agences de marketing, ou de je-ne-sais-pas-quoi… ils te reclament leur argent à coup de matracage psychologique. Et tu te dis que tu le mérites bien… au moins!

Au début, tu crois que qu’il suffit de dire à la gentille fille au téphone que tu n’es pas Rodrigo, “non, non, moi c’est Serge”, pour qu’elle te lâche… nan, nan! Elle t’appelle le lendemain à 6h30, et c’est un samedi. Tu l’insultes, le jour suivant c’est un homme qui appelle, il parle si vite (comme seuls les paulistanos savent le faire) que tu ne peux pas glisser deux mots, la solution, raccrocher sans plus.

Puis un jour, tu baisses ta garde, ton téléphone sonne, c’est un numéro qui commence par un 011… c’est São Paulo… peut-être un ami, ou mon frère, mais non: “Bonjour, monsieur Rodrigo…?”… Franchement, quand Oi m’a revendu ce “nouveau” numéro, ils savaient bien que je n’étais plus ce fameux Rodrigo, non.

Je pourrai les trainer en justice, tiens. Non, je suis pauvre et cela me coûterai bien trop cher.

Bon, cela fait un mois que je n’ai plus réçu de coup de file de São Paulo, peut-être que Rodrigo a payé sa dette. Et puis, un matin, ma petite amie reçoit un coup de file elle aussi; c’est São Paulo, il est 6h30, on est samedi et elle apprend qu’elle s’appelle Marta

P.S: – Vous avez peut être suivi la chute de l’empire de l’ancien septième homme le plus riche de la planète, Eike Batiste, il paraît qu’il représentait le modèle capitaliste brésilien: un chateau de cartes?

– Sur l’annulation de la dette, lire ce texte dédié à David Graeber sur Rue89.

 

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Commentaires

Osman Jérôme
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A défaut d'en pleurer, on en rit :)

Serge
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C'est pas beau ça? :)

Mylène
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Ah ah, Rodrigo, ça te va bien comme prénom ! Plus sérieusement, ce système d'harceler les téléphones pour payer, je me demande si ça a vraiment des résultats ?

Serge
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En tout cas, ça t'énerve, ça baisse ton estime personnelle... mais, dis-moi, ça existe en France, ça?