Polémique après le pardon de la dette congolaise par le Brésil

Les temps changent. Au Brésil, il passe plus vite qu’ailleurs on dirait. Au début des années 1990 ce pays s’enfonçait dans le gouffre d’une dette internationale dont on ne savait que faire. Le Consensus de Washington, avec ses politiques d’austérité, avait détruit l’effet de croissance de toute l’Amérique Latine mettant l’Argentine à terre alors que les Brésiliens tremblaient devant une catastrophe économique annoncée.
Pourtant, vingt ans plus tard, le Brésil a liquidé ses dettes avec le FMI et la Banque Mondiale, devenant au passage l’un des bailleurs de fonds. Dilma Rousseff a annoncé dans la foulée l’annulation de la dette de 12 pays africains dont la RDC, une dette qui s’élève pour l’ensemble de pays à 900 millions de dollars.
L’affaire a provoqué une petite polémique dans les milieux spécialisés (voir ici).
Ces dernières années, le Brésil a radicalement changé sa politique vis-a-vis de l’Afrique et de l’Amérique Latine, notamment par des programmes d’études universitaires, d’échanges culturels et autres. Dans le cadre de cette diversification de son économie, l’ouverture à l’Afrique est une excellente opportunité. Il faut rappeler que le premier partenaire économique du géant des Brics est la Chine.
Selon le sociologue Pedro da Motta Veiga, le Brésil devrait, je cite “regarder de plus près la qualité politique des gouvernements pour lesquels ce pardon de la dette s’adresse. La projection internationale du Brésil en Afrique est souhaitable, les bénéfices économiques pour les entreprises brésiliennes sont réels, mais ces gouvernements là sont-ils légitimes et démocratiques ?”.
Une importante partie des spécialistes critiquent donc cet aspect de la coopération sud-sud lancée par le Brésil. Je dois avouer que cela m’interpelle pour le cas de la RD Congo dont la dette a également été pardonnée.
En même temps, on sait que pour le Brésil il s’agit de faire face à la pression chinoise dans le continent illustrée par la construction de ce stade au Gabon, ou du palais omnisports au Cameroun. Néanmoins, les spécialistes alertent que “se lancer dans une guerre d’influence contre la Chine serait suicidaire pour le Brésil.” Une guerre perdue d’avance.
Il est important qu’ici aussi un débat public soit engagé sur l’opportunité de pardonner ces dettes à des pays autoritaires comme la RDC, par exemple. Pour un expert de la Royal African Society de Londres, “le pardon de la dette ne change pas grand chose car les pays bénéficiaires continuent de pratiquer les mêmes politiques corrompues d’avant”.
Malgré la ferveur du débat dans la presse brésilienne (et peut-être congolaise) on est loin de croire que la vie des congolais aura fondamentalement changé même après ce pardon. Car comme le dit cet expert britannique, la RDC demeure ce “grand trou dans le cœur de l’Afrique, un pays incapable de développer les fonctions normales d’un Etat…”
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