Brésil: mémoire « nègre » en images

J’ai profité d’une journée « libre » pour faire un saut au Centro Histórico de João Pessoa, ça doit faire cinq mois que je n’y vais pas. Avec un peu de chance, mais surtout grâce à un des mes amis brésiliens les plus proches qui aime l’art dans « tous ses états », j’ai eu le bonheur de visiter deux expositions de photographies assez particulières.
Déjà, les deux expositions mettaient en valeur la « culture noire » de Paraíba. C’est vrai que les noirs d’ici ne sont pas très visibles, sauf dans les journaux télé où on les voit souvent baignés de sang après les nombreux reglèments de comptes dans lesquels ils s’impliquent. L’Etat de Paraíba serait l’un des endroits les plus dangereux pour les noirs au Brésil.

Les statistiques ne mentent pas selon certains, mais pour d’autres, elles font partie de ces mensonges fondamentaux. Le fait est que dans la capitale où j’habite, les rues ne sont pas particulièrement dangereuses pour les noirs.

On dit que c’est surtout dans la province (Interior) que les choses se compliquent. D’où une certaine image stéréotypée que l’on a de cette partie de l’Etat.
Mais certains artistes essayent de montrer le bon côté de cette région marginalisée dans l’imaginaire collectif national mais aussi oublié par les politiques publiques de lutte contre la pauvreté. D’ailleurs, il y a ici un paradoxe: préserver une certaine originalité culturelle à forte influence africaine peut signifier dans bien des cas perdre l’opportunité de lutter contre la pauvrété. Une pauvreté impliquant aussi l’invisibilité de ces populations noires de Paraíba.

Aujourd’hui, c’est éventuellement grâce aux artistes et anthropologues qu’on a une idée de ce qui se passe dans ces régions pas si lointaines que ça, puisque la ville de Conde où certaines photos ont été prises ne se situe qu’à quelques heures de João Pessoa. L’exclusion ici est fondamentalement symbolique.
Mémoire « nègre » et patrimoine
Le Vale de Gramame est une région qui réunit plusieurs populations dont les Quilombos, historiques résistants contre domination blanche; avec presque 20 mille habitants. La région est essentiellement rurale, d’où le contraste avec la vie urbaine de João Pessoa. La ville maintient une forte tradition réligieuse, spécialement catholique avec ses nombreuses fêtes populaires dédiées aux saints.

La vie à Vale de Gramame ressemble en plusieurs aspects au quotidien africain, même dans sa tradition culinaire elle révèle des racines africaines: manioc, maïs, beaucoup de fruits, etc.
Anaventur, anarriê!
La Saint-Jean de Campina Grande (la plus grande du monde, selon ce qui se dit) est finie depuis bientôt deux semaines, mais la région rurale de la périphérie de João Pessoa a sa propre São João rurale qu’elle anime aux sons des chants qui empreintent bien des mots français comme par exemple « Anaventur » pour dire « En avant toute », ou Anarriê pour « En arrière »… Certainement l’influence des colons français qui se sont aventurés au Brésil il y a quelques siècles.
C’est aussi la quadrilha, danse populaire qui attire aussi bien les jeunes que les personnes d’un certain âge. Main dans la main, ils dansent, sautent, avancent, reculent… tous, en habits traditionnels. Les photos sont tellement fidèles qu’on se croirait presque à Vale de Gramame.

– Vale de Gramame
Tem histórias pra contar
De um Rio que era limpo
Com muita vida pra dar
E que hoje, moribundo
Corre triste para o mar
– Este Vale tem Cultura
Quadrilja de Tradição
Ciranda, coco de roda
Muito forró e baião e
Um folclore muito rico
De lendas e assombração
– Aqui tem muito luar
E por do Sol também
Ouve o canto dos pássaros
O chamado do vem-vem
Escuta a natureza
E vê o encanto que ela tem
[…]
Judite Palhano

La région est aussi le symbole de la préservation de la nature comme le dit si bien ce poème qui dénonce également la pollution et le déséquilibre écologique grandissant.
Le site de l’exposition, ici.



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