Serge

Cinq profils du député brésilien

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:CMCVM_-_Comiss%C3%A3o_Permanente_Mista_de_Combate_%C3%A0_Viol%C3%AAncia_contra_a_Mulher_(21905429733).jpg
Benedita da Silva a participé, comme ici, à plusieurs commissions parlémentaires sur les droits de l’homme, des indigènes, des noirs et des femmes | crédit photo: Senado Federal | wikimedia commons

Les jeunes parisiens ne sont pas les seuls à passer des Nuits debout. Les parlementaires brésiliens participent depuis vendredi à un marathon. Dimanche 17 avril ils ont voté en faveur de la procédure de destitution de Dilma Rousseff. L’occasion pour nous de découvrir ces figures si étranges qui contrôlent et bloquent la politique brésilienne. J’ai donc décidé de vous présenter, sur un ton léger et provocateur cinq d’entre eux. Des figures assez connues du grand public et/ou/aussi bien polémiques les unes que les autres.

J’imaginais, à tort, que le seul clown du Parlement brésilien était le député Tiririca, mais force est de constater que je me suis trompé. La longue session qui décide quel sera l’avenir du Brésil, en résumé, avec ou sans Dilma Rousseff (présidente réélue en 2014), a le mérite de nous faire découvrir des personnalités incroyablement caricaturales, voire rétrograde, qui font figure de législateur au Brésil.

1. Frank Underwood ou le « facteur » Eduardo Cunha

On l’avait un peu beaucoup sous-estimé, mais l’homme a montré qu’il était constitué d’adamantium (l’indestructible métal dont est constitué le squelette de Wolwerine, quoique). C’est le cerveau derrière la procédure de destitution de la présidente Dilma Rousseff. On a longtemps pensé que Jair Bolsonaro était l’homme le plus dangereux du Brésil, sûrement le pire député du monde, mais on se trompait. C’est bien Eduardo Cunha qui aura raison du PT et de Dilma Rousseff.

Ses méthodes ressemblent à s’y méprendre à celles employées par le personnage fictif Frank Underwood dans la série américaine diffusée sur Netflix, House of Cards.

Bien plus dangereux que le vice-président Michel Temer (lire mon analyse ici) , c’est au président du Parlement national, ennemi juré de la présidente qui a porté les coups les plus durs au gouvernement Rousseff.

Comme le rappelle le New York Times, Cunha n’est pas un saint ou un chevalier qui lute contre la corruption, au contraire. Il est mis en examen dans plusieurs affaires de corruption et détention de comptes bancaires occultes (Panama Papers compris). Cunha est même un habitué des restaurants les plus luxueux de Paris tels que le Guy Savoy, comme on peut s’en rendre compte dans ce reportage sur la vie luxueuse du président de l’Assemblée nationale, diffusée sur Globo.

2. Jean Wyllys, gay-pop

C’est un peu le Bruce Willis de Brasília. Le Bruce Willis du pauvre, évidemment. Premièrement, une curiosité chez lui. Quelque chose qui me fascine d’ailleurs. Aucun de ses noms n’est proprement brésilien. Jean est un prénom français alors que Wyllys ne ressemble pas vraiment à un nom de famille brésilien ou portugais.

On apprend grâce à sa page Wikipédia (merci Wiki…) que son nom complet est Jean Wyllys de Matos Santos. Ah, ça me rassure. Je commençais à penser qu’il était juif. On apprend également qu’il s’est fait connaître en remportant la cinquième édition du reality show Big Brother Brasil. Hum, c’est pas bien ça, Jean. L’occasion pour moi d’aller reluquer sur Youtube…

Ok. Tout le monde a le droit de faire des bêtises dans la vie. Surtout si ça vous rapporte un million… Il s’est bien récupéré depuis. Jean Wyllys a décroché ses diplômes universitaires, il est devenu professeur puis l’un des députés les plus connus et pertinents du Brésil. Il milite notamment pour les droits des minorités au Parlement.

3. Jair Bolsonaro, « l’ami » d’Ellen Page

Le pire député du monde selon le journal Le Monde est connu pour ses positions polémiques sur les homosexuels, ce qui lui a valu d’être interviewé par Ellen Page. S’il était le président du Brésil, sa première mesure serait peut-être d’envoyer le gentil Jean Wyllys au goulag. Bref, on trouve de tout dans le Parlement brésilien. Je vous laisse le découvrir en tête en tête avec Ellen Page qui, pour le coup, est plus effrayante que Jair. A partir de 2’30 » (sous-titrage en anglais).

4. Fille à papa

Femme brillante et controversée, Luciana Genro est avant toute chose la fille de Tarso Genro, un poids lourd du Parti des Travailleurs (PT) de Lula da Silva et Dilma Rousseff, ancien ministre et ancien gouverneur de l’Etat du Rio Grande do Sul, deux fois maire Porto Alegre, professeur, philosophe, poète, etc, etc. Autant dire que « Luciana » a longtemps navigué dans « les eaux troubles du PT » avant de s’en séparer et de fonder son propre parti, le PSOL (Parti Socialisme et Liberté) dans lequel elle milite avec Jean Wyllys.

On imagine bien qu’à un moment de sa vie, elle a dû appelé Lula, « tonton », et Dilma, « tantine ». C’est peut-être ce qui explique la scène la plus marquante des débats pour les élections présidentielles de 2014 lorsqu’un candidat d’extrême droite ordonne qu’elle se tienne devant lui  afin d’être « recadrée »…

5. L’ancienne femme de ménage

Benedita da Silva a été gouverneur de l’Etat de Rio de Janeiro, mais aussi sénatrice. Elle a raconté sa vie lors de « l’interminable session » parlémentaire au cours de laquelle tous les députés ont défilé à la tribune. Elle a raconté la plus belle histoire du marathon des parlémentaires. Elle a raconté l’histoire d’une femme de ménage qui n’avait pas de quoi nourrir ses enfants, une femme qui n’avait pas les moyens de payer le transport pour que sa fille réalise son rêve d’être dentiste. Elle a raconté l’histoire de millions de familles brésiliennes d’avant Lula da Silva. Elle a raconté l’histoire du Brésil.

Mais elle a aussi parlé d’espoir, de la vie de ces femmes qui ont finalement réalisé le rêve de leurs filles. C’est peut-être sa vie qui a inspiré le magnifique film d’Anna Muylaert, Une seconde mère. Elle a rappelé quel était le crime parfait de Dilma Rousseff: réaliser le rêve des millions de jeunes filles qui rêvaient d’être dentiste.

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Fuite d’écoutes téléphoniques : quelle utilité pour la démocratie ?

wiretapping

N’en doute pas cher lecteur, c’est bien une question philosophique que je te propose aujourd’hui. Oui, oui. Une question si sérieuse que même le grand Kant a dû y répondre dans son article sur « l’histoire universelle du point de vue cosmopolitique ». Le philosophe allemand avait compris que la paix dans le monde (et dans nos pays) dépend du fait que certaines informations, même d’intérêt public, doivent être maintenues secrètes.

Or, nous vivons à une époque où tout fuite, pour le meilleur et pour le pire. Nous vivons à l’ère des GAFA, ces corporations qui contrôleront le monde dans un futur pas si lointain, si ce n’est déjà le cas (GAFA, est l’acronyme constitué des géants américains Google, Apple, Facebook, Amazon). Ce n’est plus un secret pour personne, nos vies sont pratiquement « sous écoutes ». Le délire libéral nous a conduit à la matérialisation d’un scénario que même la Stasi aurait eu du mal à prévoir  (la Stasi était le service de police politique, de renseignements, d’espionnage et de contre-espionnage de la République démocratique allemande (RDA) créé en 1950). Si tu as vu le film  La Vie des Autres, tu comprendras mieux de quoi je parle ! Nous avons pratiquement délégué la surveillance de nos vies privées aux marchés des Nouvelles Technologies… rien de nouveau jusqu’ici.

Edward Snowden a radicalement changé notre perception du rôle de l’Etat en révélant leurs activités occultes notamment en matière de violation de la vie privée des citoyens. Il est d’autant plus incompréhensible de constater qu’à grande échelle, le public a plus ou moins accepté l’idée d’être espionné par un gouvernement, si en échange sa sécurité était assurée. Belle illusion. Mais, comme l’affirmait le sociologue Pierre Bourdieu, l’illusio* est bien la condition moderne par excellence.

La nouveauté, de mon point de vue, consiste en cette banalisation de la vie privée de nos dirigeants : une banalisation du pouvoir, sa démystification, sa désacralisation.
Ceci est particulièrement vrai aujourd’hui au Brésil. En fait, ce qui motive ce commentaire, ce sont les derniers événements qui ont touchés Dilma Rousseff et Lula da Silva, autrement dit un chef d’Etat et son prédécesseur : leurs conversations confidentielles ont été largement exposées.

Mais cette semaine, le Brésil a atteint un niveau supplémentaire d’immaturité politique – voire d’irresponsabilité tout court –  lorsque des propos du vice-président de la République (Michel Temer) ont fuité, tiens-toi bien ami lecteur, sur … WhatSapp ! Non, tu ne te trompes pas. J’ai honte d’écrire ce billet. J’ai honte d’avoir à me demander pourquoi le vice-président d’un pays aussi grand (et aussi sérieux ?) que le Brésil utilise l’application Whatsapp à des fins personnelles alors que même les filles de Barack Obama n’en ont pas le droit ! Question de sécurité…

Ci-dessous, l’audio du vice-président, Michel Temer, qui a fuité le 11 avril 2016:

Le contenu de cette fuite ? Tout un programme. Littéralement. La présidente Dilma Rousseff n’a pas encore été éjectée de son fauteuil que son « vice » (qui grimperait sur la première marche du pouvoir si la présidente venait à être destituée) déroule son programme en 13’52 » sur Whatsapp. Delirium ! Résultat, une semaine (et peut-être plus) de délire collectif sur l’irresponsabilité de la classe politique brésilienne.

Trop de transparence dans une démocratie peut produire l’effet contraire en la détruisant de l’intérieur. La philosophe du droit Simone Goyard-Fabre nous avisait sur ce danger.

Cela dit, il faut bien dénoncer la responsabilité des médias qui ont fait de la politique un spectacle. Chaque jour apporte son lot de révélation, ici  la « fuite » d’une conversation « d’intérêt public », là une nouvelle « écoute téléphonique », nous savons tous que le seul but inavoué de tout ceci n’est autre que la course à l’audience.

 

* Dans la théorie du Champ, de Pierre Bourdieu, l’illusio se réfère à une forme spécifique d’intérêt « pour le jeu », dont le caractère historique assure son fonctionnement. 

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Brésil : « C’est la fin de notre système politique »

Image: Wikimedia Commons
Image: Wikimedia Commons

« Vai terminar em pizza ». C’est une expression très connue au Brésil. Elle symbolise l’impunité dans les institutions publiques de ce grand pays d’Amérique latine. Une manière très brésilienne de résoudre les conflits, c’est le jeitinho brasileiro, c’est-à-dire, « trouver une solution à l’amiable ». Le grand scandale brésilien de corruption qui fait l’actualité internationale en ce moment se dirige vers un épilogue aussi convenu que honteux.

La publication d’une liste reprenant plus de 200 noms d’hommes politiques soupçonnés d’avoir reçu des pots-de-vin de la société de BTP Odebrecht dont le patron, l’héritier Marcelo Odebrecht a été condamné à 19 ans de prison par le juge fédéral Sergio Moro, a eu l’effet d’un séisme dont la magnitude peut s’élever à 7 sur l’échelle de Richter.


A en croire les propos de l’ancien président de la République, Fernando Henrique Cardoso : « C’est la fin de notre système politique ».

200 noms d’hommes politiques, ce n’est pas rien. D’autant plus qu’on retrouve dans cette liste les noms de l’actuel président de la chambre des représentants, Eduardo Cunha, l’ancien gouverneur de São Paulo et ancien candidat à la présidence José Serra, le leader de l’opposition et candidat perdant aux élections présidentielles de 2014, Aécio Neves. Ces derniers sont tous favorables à la destitution de Dilma Rousseff dont le nom ne figure pas sur la liste. Cette dernière a par ailleurs été mise sous secret judiciaire par le juge Sergio Moro, 4 heures seulement après la fuite… contrairement aux écoutes téléphoniques de Lula et Dilma.

Mais internet a joué son rôle et chacun connait les noms de ceux que l’on soupçonne désormais d’être aussi corrompus voire plus corrompus que la présidente Dilma Rousseff, prise en otage par des institutions vicieuses.

La liste contient aussi sa petite dose d’humour, preuve que les brésiliens ne perdent pas le sens de la dérision, même dans la tourmente. Les politiques se voient attribuer des petits noms plus ou moins liés à leur personnalité. On y retrouve ainsi quelques perles : La brute, avion, Rio, gardien de but, viagra, athlète, écrivain, le crabe, le nerveu, Proximus (!), le grec, etc.

La fameuse liste des noms figurant sur la feuille de paiement d'Odebrecht
La fameuse liste des noms figurant sur la feuille de paiement d’Odebrecht

Sentant bien le parfum de l’effondrement du système, puisque seuls deux ou trois (petits) partis se tireraient d’affaire, la télévision Globo a décidé de « ne pas citer les noms parce que la liste était trop longue » (sic).

Excuse bidon ou foutage de gueule ? A chacun d’en juger. Le fait est que depuis ce fameux mercredi 23 mars où la « Planilha da Odebrecht » a fuité, le ton des partisans de la destitution a considérablement baissé. On a presque passé un week-end sans grand drame national.

A quoi s’attendre, alors ? A tout ou rien ! Quand l’humanité est menacée d’extinction, que fait la nature selon les lois de l’évolution ? Elle s’auto-préserve. La divulgation de la liste a montré que personne n’est clean, ni les politiciens, ni les journalistes, et encore moins le citoyen qui vote. Le « système » va-t-il enclencher un mécanisme de survie afin d’éviter l’effondrement ?

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Politique-fiction: la chute du plus grand président africain du 21° siècle

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Joseph_Kabila_with_George_Bush_October_26,_2007.jpg
L’ancien président de la RDC Joseph Kabila en compagnie de l’ancien locataire de la Maison Blanche George W. Bush | crédit photo: Eric Draper | Wikimedia Commons

Ceci est l’histoire récente du Brésil, racontée avec des personnages congolais… 

Cela fait maintenant 6 ans que Joseph Kabila a quitté le pouvoir. En 2010, lorsqu’il décide de passer la main à sa soeur, Jaynet Kabila qui sera élue présidente de la République aux termes d’une élection saluée comme « la plus démocratique » de l’histoire récente du Congo, il laisse un pays au sommet de sa gloire avec des chiffres enviés par les plus grandes puissances du monde: la RDC a réussi à éradiquer la pauvreté, le chômage est tombé à 5 % en 8 ans seulement, depuis peu, l’université publique est devenue gratuite et sa qualité n’a fait qu’augmenter. Le PIB du pays se calcule en trillions de dollars américains, la RDC a payé toutes ses dettes devenant par ailleurs un des contributeurs de la Banque Mondiale et du FMI.

Depuis son ascension au pouvoir en 2002, Joseph Kabila a signé un nouveau contrat social national incluant la société civile, les chefs d’entreprises et les plus grands propriétaires fonciers du pays. Même les médias ont été invité à la table de négociation afin de former un gouvernement d’union nationale, en thèse.

Une paix de braves a donc été signé dans le but de sortir le pays de la misère et d’en faire le porte étandard de l’économie africaine. Joseph Kabila a donc rassuré les banques, donné des garanties et promis un crédit moins cher à la population. La classe moyenne de la RDC est multipliée par vingt en un peu moins de dix ans.

Jamais les banques et les entreprises privées n’ont gagné autant d’argents que pendant les années Kabila. Le monde parle du « miracle congolais ».

Il mène sans broncher une politique économique de gauche, avec différents programmes sociaux qui ont objectif de réduire considérablement l’analphabétisme et la pauvreté. Un programme de transférance d’argent est même créé afin de bénéficier à plus de 20 millions de congolais à la seule condition que ces familles envoient leurs familles à l’école et les fassent passer des examens médicaux une fois par mois, ainsi qu’un examem chez le dentiste.

Par ailleurs, la santé est devenue gratuite. Les soins médicaux les plus complexes sont assumés par l’Etat y compris les chirurgies de changement de sexe pour qui le souhaite. La RDC est d’ailleurs devenue le deuxième pays au monde en termes de chirurgies de changement de sexe après la Thaïlande

C’est aussi en Asie qu’une banque de développement formée par des pays émergés comme la RDC, la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud voit le jour.

Différentes politiques affirmatives sont adoptés comme par exemple, ce programme qui concède des places aux minorités tutsis dans l’administration publique, dans les tribunaux; la même attention est portée aux femmes qui deviennent partie prennante du développement congolais. Leur scolarisation a triplé en huit ans.

Le riposte de l’opposition et des médias

Cependant Joseph Kabila a commis une grossière erreur. Il n’a jamais mené, malgré l’énorme crédit et le capital populaire dont il jouissait, de véritable réforme des médias. La RDC ne compte aucune télévision publique ou radio de poids. Les chaînes télévision, qui sont le véritable pouvoir dans le pays, appartiennent à des intérêts privés qui commencent à se lasser de la situation. Le status quo commence à être perturbé et le pacte nationale est fragilisé depuis que Jaynet est arrivée au pouvoir.

Bien qu’élue démocratiquement, il lui manque une certaine légitimité populaire. Beaucoup ne voit en elle qu’une marionnette placée par l’ancien président Kabila qui passe désormais le plus clair de son temps à récolter les titres de Docteur honoris causa qui lui tombent dessus comme de la neige sur l’Etat du Wyoming…

Certains opposants comme Vital Kamerhe, Olivier Kamitatu ou encore Martin Fayulu y trouvent l’occasion parfaite de revenir sur la scène politique après quatorze ans de disette. Mais pour ça, ils ont besoin d’un ancien routier. Le vieil opposant Etienne Tshisekedi, fort d’un groupe parlementaire ultra-puissant a réussi à négocier le poste de vice-président de Jaynet Kabila. C’est essentiellement grâce à lui que l’équilibre du pouvoir tient.

L’année du renversement…

Le pouvoir de Jaynet Kabila, qui n’est pas vraiment une grande communicante et encore moins une fine négociatrice, tangue. Des scandales de corruption frappent la Gécamines et ses proches sont directement mises en causes. Le juge d’instruction qui mène « la plus grande enquête de corruption et de blanchiment d’argent de l’histoire de la RD Congo » établit même une filière qui menance désormais d’entâcher l’image de Joseph Kabila. Les médias aussi saisissen l’opportunité. Les pertes en dollars se calculent à 4 milliards.

Source: Jeune Afrique
Source: Jeune Afrique

Profitant du brouhaha médiatique, les opposants parviennent à rallier Etienne Tshisekedi à leur cause. Ce dernier quitte le gouvernement et fragilise la présidente Jaynet Kabila au Parlement congolais étant donné que son parti n’a pas la majorité des élus. Désormais, sa destitution se discute librement, et sur elle aussi pèse la menace du nouveau justicier des médias. Le juge de « l’affaire Gécamines » est bien décidé à rentrer dans l’histoire à l’instar de son homologue italien Antonio Di Pietro qui mena l’opération Mani pulite, opération Mains propres, dans les années 1990.

Le pays se tient en haleine et observe dans la plus grande tranquilité le dénouement des accords parlementaires. Le calme avant la tempête?

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P.S: Cette histoire est fictionnelle, son récit s’étant largement inspiré des faits politiques récents du Brésil.

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Radicalisation

https://www.epochtimes.com.br/brasileiros-ruas-protestar-contra-dilma-rousseff-pt-foro-sao-paulo/#.Vu2ZkPkrLIU

Avec un peu de recul, je relis certains de mes articles publiés sur ce blog à la fin de l’année dernière, et j’ai franchement l’impression que mes dons de clairvoyance ont augmenté. En fait, il se peut que ce ne soit que la simple lucidité de l’observateur qui applique la vieille méthode de la science historique: « regarder le passé pour comprendre le présent et préparer l’avenir ». « Il n’y a pas de Science politique sans histoire », disait Raymond Aron. Il était aisé de prévoir la radicalisation actuelle de la sphère politique et sociétale au Brésil. Maintenant, savoir ce qui nous attend relève de la magie. Et cela ne s’enseigne pas à l’université de la République.

L’élection de Maurício Macri en Argentine était un indice d’un mouvement structurel en Amérique Latine. Le continent s’engage désormais sur une nouvelle voie, on ne saurait encore dire clairement laquelle, mais les indices données aussi bien par les récentes manifestations au Brésil que par les déclarations des différents acteurs politiques montrent qu’il y a de quoi se préoccuper.

Il ne s’agit pas tant que ça d’un mécontentement envers les partis progressistes, que ce soit en Argentine ou au Brésil, même au Chili, la présidente Michelle Bachelet – coqueluche d’Arte TV – voit sa popularité chuter. De mon point de vue, la population en général a l’impression d’un manque d’alternance au pouvoir. J’en ai déjà parlé ici.

Changer pour changer

Littéralement. Il faut changer. Peu importe qui arrivera au pouvoir. Il faut changer. Pour calmer la population. Il y a des signes qui ne trompent pas. Dimanche dernier, lors de la manifestation « anti-Dilma », le chef de l’opposition politique, Aécio Neves, qui était pourtant à l’origine (on va dire) de la mobilisation a été hué à son arrivée sur l’Avenida Paulista au point d’être obligé de se rétirer. Le mécontement n’est pas que contre le Parti des travailleurs et Dilma Rousseff. Ce que l’on voit est le résultat d’une radicalisation autrement plus dangereuse.

« C’est une masse incontrôlée qui est descendue dans la rue le 13 mars », affirme un politologue et professeur d’université avec qui je me suis entretenu vendredi. Tout le contraire des mouvement observés ce 18 mars en soutien de Lula da Silva; ce dernier étant même apparu sur la même Avenida Paulista.

Lula a parlé devant des centaines des milliers de personnes clairement identifiables par la couleur de vêtements, le rouge. Preuve que six ans après son passage au Palácio do planalto, il reste l’un des principaux leaders politiques du Brésil, sinon, LE plus important.

Pour autant, on ne peut pas négliger la masse informe descendue dans la rue le 13 mars. Que trois millions de personnes soit aussi opposées à un gouvernement et descendent pour le manifester dans la rue montre que certains canaux institutionnels ne fonctionnent plus et que le gouvernement n’est pas assez responsive, pour utiliser un terme en vogue dans le jargon numérique. C’est ici que se situe le danger. Puisqu’une telle situation ne fait qu’augmenter le dégré de radicalisation des opinions politiques.

« House of Lula »

L’important journal paulista Folha São Paulo a lancé la web-série House of Lula en trois épisodes. La série est une référence parodique au chef-d’oeuvre de la plateforme de vidéos à la demande Netflix, House of Cards. Elle n’est pas forcément heureuse, mais montre les coulisses de crise politique brésilienne, écoutes téléphoniques à l’appui. Edward Snowden n’a pas manqué l’occasion de nous rappeler que le monde dans lequel nous vivons a vraiment changé…

Cette radicalisation montre aussi une chose: que d’une certaine manière, la population brésilienne est loin d’avoir atteint la maturité politique nécessaire pour le maintien de la démocratie. L’impopularité d’un chef d’Etat n’a jamais été le motif, nulle part (dans une vraie démocratie), d’une destitution. François Hollande lui-même peine à dépasser 25 % d’opinions favorables, mais a-t-on vu un groupe politique ou les français demander sa destitution avant la fin de son mandat?

La mésentente est souhaitable dans une vraie démocratie; c’en est même le principe, selon Rancière. Cependant, mésentente n’est pas synonyme de radicalisation. Au contraire, la radicalisation signifie l’absence de dialogue et l’impossibilité même d’une mésentente.

Au stade où nous en sommes, il ne reste pas beaucoup d’options. Les médias ont joué leur rôle dans l’histoire, comme le montre un montage-vidéo parodique (ci-dessous). Dans les coulisses, les faits politiques évoluent à un rythme vertigineux. Tout se joue dans les tribunaux (Suprême ou de première instance), mais paradoxalement, la seule voie qui semble être en mesure de mettre un terme à la radicalisation est celle du « changement pour le changement ».


Bonus: Un montage vidéo du traitement médiatique de la crise révèle avec humour qui est la véritable cible dans cette affaire, et ce n’est certainement pas Dilma Rousseff.

L’analyse du rôle des médias occidentaux dans la crise politique brésilienne par Glenn Greenwald, en anglais… et en portugais.

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Crise politique au Brésil, en parler ou pas?

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Un journaliste d’une chaîne sportive brésilienne commence son émission du lundi soir par un mea-culpa par rapport à un sujet qu’il n’allait finalement pas aborder: « Je demande aux téléspectateurs de me pardonner de parler d’un sujet qui bouillonne en moi. Après tout, le pays va très mal… », commente-t-il en référence aux manifestations de ce dimanche dans plusieurs capitales du Brésil.  « Cela arrive souvent, qu’un journaliste sportif éprouve, face à l’urgence, l’envie de parler de politique. Et Dieu sait que j’en meurt d’envie. D’ailleurs nos collègues spécialisés ‘politique’ ne se privent pas de commenter le sport pendant la Coupe du monde ou les Jeux Olympiques. Cependant, il semble qu’une interdiction s’impose à nous. Nous, journalistes sportifs ne pouvons pas aborder des thèmes ayant trait à la politique. J’irai donc directement au sujet qui nous intéresse, la Copa Libertadores! ».

Après ce faux mea-culpa, j’ai longuement réflechi sur ce qui a pu l’empêcher de parler de politique, lui qui en général, ne s’en prive jamais. Puis, j’ai pensé que cela avait sans doute un rapport avec la férocité des conflits politiques actuellement au Brésil. N’avais-je pas dit l’autre jour sur le réseau social Facebook que la parole libre serait sous peu cloîtrée. Nous y voilà.

D’autres part, je reçois des messages de membres de ma famille, de certains amis très proches, évidemment; tous africains et me demandant de faire attention à moi. Mais pourquoi? Ne sommes-nous pas en démocratie? Ou suis-je revenu en RD Congo sans le savoir?

Une personne très chère me rappelle une injonction des ambassades brésiliennes à tous les étrangers qui se rendent dans leur pays: « Vous ne devez vous livrer à aucune activité politique ». Loi, dois-je le rappeler, entrée en vigueur à l’époque de la dictature des militaires (1980) et depuis inscrite dans le Statut des Etrangers [PDF en portugais] au Brésil.

Ce dernier a été amendé en 2014 comme vous pouvez vous en rendre compte en suivant le lien ci-dessus. Mais que dit-il exactement?

Si l’on s’en remet aux articles 95, 106 et 107 du Titre X , il est possible d’obtenir quelques renseignements utiles sur ce point. Je dois dire que ces articles ne sont pas loin de présenter quelques contradictions.

L’article 95, par exemple dit explicitement que « les étrangers résidents aux Brésil jouissent de tous les droits réservés aux brésiliens », ce qui, selon, mon entendement, inclurait la liberté d’expression; d’autant plus que le Brésil est signataire des conventions internationales relatives aux Droits de l’homme.

Mais, les articles 106 et 107 compliquent notre affaire. L’article 106 interdit aux étrangers résidents au Brésil de, je cite: « d’être propriétaire d’un média journalistique de toute nature, ou d’une chaîne de télévision et de radiodiffusion, d’en être l’associé ou l’actionnaire. » Jusqu’ici, tout va bien.

Au point III, « il lui est interdit d’être responsable, mentor intellectuel ou administratif des sociétés mentionnées au point précédent. Posséder, entretenir et exploiter, même en tant qu’amateur, un appareil de radiodiffusion de télégraphie et similaires, sauf en cas de réciprocité diplomatique. » Vous conviendrez que ce point est assez obscur. Posséder un blog est-il un acte subversif? Il s’agit bien en effet d’un moyen de diffusion d’information « et similaires », bien qu’hébergé par internet et les Nouvelles Technologies de l’Information. Je dois avouer que je me sens bien nu là. En d’autres termes, sans protection face aux éventuelles interprétations malveillantes.

Mais, tout cela va devenir encore plus restrictif.

Puisqu’à l’article 107, on lit notamment que:

« L’étranger admis sur le territoire national ne peut pas exercer une activité politique, ni intervenir, directement ou indirectement, dans les affaires publiques du Brésil; et il lui est particulièrement interdit: d’organiser, créer ou maintenir des entités ou sociétés de caractère politique, même si elles ont pour but uniquement la publicité ou la diffusion exclusivement entre compatriotes, d’idées, des programmes ou d’actions des partis politiques des pays d’origines. »

Il est vrai qu’avec l’arrivée d’internet, les lois doivent s’adapter. Le monde a changé. On ne pourrait interdire à un citoyen normal « d’intervenir dans le débat public » de son pays de résidence sous prétexte que cet acte relèverait de l’ingérence dans les affaires de l’Etat.

Comment définir les limites de la liberté d’expression d’une part, et la participation des étrangers au débat public d’autre part?

A part ces questions d’ordre légal et journalistique, je me demande bien qui ça intéresse de lire les commentaires d’un blogueur résolument à gauche sur l’échiquier idéologique international et, par conséquent, ayant choisi son camp dans cette affaire…

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En attendant, sur Twitter, je commente, attaque, retweete, interpelle, interprète… j’informe même, comme ce soir par exemple:


La Fin de l’Histoire

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Lula_Pernambuco115935.jpeg
Lula da Silva lors d’un déplacement dans son Etat natal du Pernambuco, Nordeste du Brésil – crédit photo: Ricardo Stuckert/PR/Wikimedia Commons

Quelque chose a définitivement changé hier matin au Brésil. Un mythe a été ébranlé dans un quartier huppé de São Bernardo, ville historique et industruelle à quelques quilomètres de la métropole São Paulo. C’est aussi une page de l’histoire du Brésil qui se tourne avec cet épilogue de l’opération Lava Jato – opération nettoyage – qui frappe le plus grand symbole mondial de la gauche pragmatique des vingt dernières années. 

En écrivant son célèbre essaie La Fin de l’Histoire, Francis Fukuyama ne se doutait pas que plus de vingt ans après, son livre resterait d’actualité. Beaucoup de choses ont été dites sur cet ouvrage qui au fond ne parlait que de la fin d’une dichotomie idéologique marquant de manière irreconciliable la frontière entre la gauche et la droite, le capitalisme et le communisme, le libéralisme et le socialisme. D’un retour impossible aux grandes dualités politiques…

La chute du Mur de Berlin était donc le moment historique qui définissait clairement une rupture dans la « Grande Histoire », celle des idées. Le fameux « TINA« *, Il n’y a pas d’alternative, de Margaret Thatcher était enfin théorisé. Avec la chute du mur, les hommes n’avaient plus à faire un choix sur quel régime était le meilleur. En même temps que cela, se matérialisaient les propos de Platon dans La République: « La démocratie n’est pas le meilleur régime politique, mais c’est le moins mauvais que nous connaissons ».

Il semblait donc que le doute n’avait plus lieu d’exister. Et pourtant, ces dernières années, le Brésil joue dangereusement avec ses acquis démocratiques de l’après 1988, année de l’adoption de sa nouvelle Constitution. Il y quelques mois, au début de l’affaire de la destitution de la présidente Dilma Rousseff j’affirmais sur ce blog que le Brésil se trouvait à un moment décisif de son histoire puisque sa démocratie était mise à l’épreuve.

Lire aussi l’article Cinq impressions sur Lula

Le symbole

Je parlais du symbole. Lula da Silva est sans doute l’un des hommes politiques les plus admirés au monde. Il reçoit la reconnaissance du monde entier, y compris des universités les plus prestigieuses bien que n’ayant pas poussé les études bien loin. La preuve ici, à Sciences Po Paris:

Parmi ses actions, on ne cessera de le dire: il a sorti plus de 40 millions de brésiliens de la pauvreté; Lula a aussi l’intelligence de renforcer les relations diplomatiques « sud-sud » grâce notamment, pour ce qui nous concerne, à un vaste programme de soft power orienté vers l’Afrique et les pays d’Amérique Latine.

Lire aussi l’article La crise brésilienne en six mots, selon BBC News

Une opération de police sous le signe de la polémique

Le réveil fut dur pour beaucoup de militants pro-Lula ce vendredi. Choc et indignation sont les sentiments partagés par nombreux de ceux qui défendent bec et ongles l’ex-président du Brésil. La journée a par la suite tourné au combat de boxe façon Hagler vs Hearns; peur, colère, euphorie, circonspection, jubilation, manifestations pro et contre, combat de rue devant la résidence de l’ancien président Lula da Silva à São Bernardo, mobilisations dans toutes les capitales, etc.

Il y avait de quoi tant l’action de la police fédérale fut spectaculaire. Pouvait-il en être autrement à une époque comme la nôtre. La Société du spectacle a ses propres codes. La perquisition menée par la police fédérale au domicile de Lula da Silva a indigné plus d’un observateur note le journal espagnol El Pais qui donne la parole à plusieurs juristes qui interrogent la nécessité d’une action coercitive alors que l’intéressé ne se refusait pas à comparaître devant le juge en qualité de témoin.

BBC rapporte les propos d’un ancien ministre de la justice sous le gouvernement de droite de F. H. Cardoso qui dénonce « une action exagérée » (sic); un autre juriste de ce même gouvernement de droite qualifie l’action « d’illégale » (sic); bref, le débat prend une tournure conceptuelle et philosophique inattendue…

De son côté, le juge Sérgio Moro a justifié cette action policiaire coercitive par une volonté de protéger l’ancien président contre d’éventuelles violences populaires…

Il est clair que dans cette affaire c’est bien plus que l’image d’un homme qui est en jeu, c’est l’avenir d’un projet politique et sociale qui se joue.

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*There Is No Alternative

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Ta-Nehisi Coates, un livre pour la paix ou pour la guerre?

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Black_Lives_Matter_protest_against_St._Paul_police_brutality_(21578729135).jpg
Une manifestation contre la violence policière aux Etats Unis – wikimedia commons/Fibonacci Blue/St. Paul, Minnesota/2015

Le nouvel apôtre de la conscience noire apporte-t-il un message de paix ou de guerre? Porte-il l’épée ou apporte-t-il la paix? Chacun se souviendra du célèbre verset biblique où Jésus explique le sens de sa mission: « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison » (Mattieu 10:34). La question mériterait d’être posée au terme de la lecture du livre le plus populaire du moment, Between The World and Me de Ta-Nehisi Coates.

Le rebelle… 

La lettre de Ta-Nehisi Coates à son fils n’est qu’un prétexte pour transmettre un message dont la portée est en réalité universelle. Les plus fidèles de mes lecteurs savent que le thème du racisme m’est chèr (c’est peut-être le sujet le plus traité sur ce blog). Normal. Je vis depuis huit ans dans un pays où le racisme est profondément ancré dans les mentalités, bien qu’il soit subtil.

A une brésilienne de race blanche (je m’excuse auprès de mes lecteurs de revenir sur le mot « race », mais c’est une réalité que nous vivons) ayant eu un enfant avec un ami proche, congolais, lui, je disais il y a un peu plus d’un an: « Il y a deux façons d’élever un enfant noir au Brésil. Soit comme un rebelle, soit comme un soumis conformiste ». Ce à quoi elle répondait « c’est la dure tâche à laquelle je me prépare à faire face ».

Croire en l’universalisme?

C’est exactement la démarche de Ta-Nehisi Coates qui s’engage à faire connaître ce monde à son fils. Ce monde tel qu’il est et non pas comme on voudrait qu’il soit. Ils sont bien gentils ceux qui veulent nous faire avaler la pilule de l’universalisme, mais tous les jours dans les rues, dans les supermarchés, notre couleur de peau nous joue de tours. Même quand nous essayons d’oublier qui nous sommes, les autres sont là pour nous ramener à la dure réalité.

Pas plus tard que cette semaine, en sortant de chez moi pour faire une course, j’ai vécu une expérience déplorable: une jeune femme brésilienne a bien changé de troittoir en me voyant avancer dans la même direction qu’elle…

Bien qu’étant né en France, c’est bien en Afrique que j’ai grandi, et là-bas, je n’avais pas conscience de la couleur de ma peau. Au Brésil, j’ai su. Cette terrible vérité, douloureusement révélée, a-t-elle été utile pour moi? Pour tout dire, je suis plutôt content de m’être rendu compte, bien que par la manière la plus difficile, de qui j’étais vraiment.

C’est au Brésil que j’ai lu l’autobiographie – écrite à deux mains – de Malcom X. Un livre fondateur de mon identité noire. Une identité de combat.

Between The World and Me de Ta-Nehisi Coates aux éditions Objetiva/Rio de Janeiro/2015
Between The World and Me de Ta-Nehisi Coates aux éditions Objetiva/Rio de Janeiro/2015

Commentaire

Ecrit sur un ton libre et léger, le livre de Ta-Nehisi Coates n’en demeure pas moins pesant. On le lit à ses risques et périls, car l’auteur n’entend pas faire dans la dentelle, ni carésser dans le sens du poil blanc. Les phrases se succèdent comme des coups de poing. Il faut parfois souffler. S’arrêter. Respirer et continuer malgré tout à lire.

Le livre de Coates est notre chemin de croix à tous. Il nous parle autant qu’aux hommes blancs. Même s’il sera lu différemment. Forcément. Coates raconte une expérience charnelle, il raconte l’histoire d’une violence cristalisée dans la chair. L’histoire de l’Amérique est celle d’une confiscation. C’est l’histoire d’un holp up mené au détriment du corps des afros-américains. « Ils seront libres, mais nous disposerons de leurs corps ». Voilà le mot d’ordre sur lequel est bâtie la démocratie américaine. Tout le reste n’est que fable. Un clin d’oeil donc au nouveau film de Tarantino que j’abordais ICI.

Reste à savoir s’il y a dans ce texte plein de colère et de rage une place pour l’espoir; s’il reste un moment qui permette une quelconque réconciliation. Je le découvrirai au sommet de « mon » Golgotha…

Extraits:

1.

Ta_Nehisi_Coates_Book

Plus précisément, la journaliste a voulu savoir pourquoi je pensais que les progrès de l’Amérique blanche, ou plutôt le progrès de ces Américains qui croient être blancs, a été construit par le pillage et la violence.

2.

Ta_Nehisi_Coates

Ce dimanche-là, en compagnie de la journaliste, pendant le journal, j’ai essayé d’expliquer le mieux que je pouvais dans le temps qui m’était destiné. Mais à la fin de la tranche, la journaliste m’a présenté une photo amplement diffusée dans les médias d’un garçon noir de onze ans embrassant, en pleurant, un officier de police blanc. Ensuite, la question qu’elle m’a posée portait sur « l’espoir ». C’est alors que j’ai su que j’avais échoué.


Ecoutez une interview exclusive en français de Ta-Nehisi Coates pour Senenews.com

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Une colère noire de Ta-Nehisi Coates, aux Editions Autrement, 17 euros.

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P.S: Au moment où j’écris ces lignes, j’en suis encore à la moitié du livre.

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