Au Brésil, le viol des femmes divise les réseaux sociaux

Attention ! Ceci n’est pas un poisson d’avril ! Tous les faits rapportés ici sont véridiques… pour notre plus grande peine, hélas. La semaine a commencé très forte avec la publication des résultats d’une enquête menée par l’IPEA, Institut de recherche économique appliquée, une institution hautement crédible, tant est que nous le citons très souvent dans nos propres projets académiques. Cette semaine, donc, l’IPEA publie les résultats d’un sondage qui révèle que 65 % des Brésiliens pensent que les femmes qui s’habillent légèrement méritent d’être violées. Eh oui, Cunisie, il n’y a pas que chez toi que le viol autorisé est un problème culturel.
Ma première réaction face à un tel sondage est le doute. Descartes n’a-t-il pas averti que la science commence par le doute ?
J’ai donc dit à mes amis que ce sondage pouvait aussi bien être le résultat d’une grossière manipulation. Après tout, il y a une différence entre être machiste (ce que sont les Brésiliens) et « penser que les femmes méritent d’être violées ».
Celle qui n’a pas hésité ni douté, c’est la journaliste Nana Queiroz qui a vite lancé une campagne sur Internet avec le mot-dièse #EuNãoMereçoSerEstuprada (je ne mérite pas d’être violée). Succès immédiat et mobilisation générale sur Facebook et Twitter où de nombreuses femmes postent des photos à moitié nues pour dénoncer le machisme des Brésiliens, avec justement ce mot-dièse en lettre majuscule sur la photo.
Le lendemain de la mobilisation, Nana Queiroz est menacée par des extrémistes et reçoit l’appui de la présidente Dilma Rousseff qui se manifeste sur… Twitter, évidemment:
« Nana Queiroz mérite toute ma solidarité et mon respect »
Organizadora do protesto #NãoMereçoSerEstuprada, @nanaqueiroz merece toda a minha solidariedade e #respeito
— Dilma Rousseff (@dilmabr) 31 março 2014
Mais les salauds ne vont pas s’arrêter pour si peu. Non seulement Nana Queiroz est menacée de viol, mais en plus, plusieurs profils Facebook sont créés dans les jours qui suivent récupérant les photos des indignées pour les utiliser à des fins pornographiques. C’est le cas de ce profil où l’auteur affirme collectionner les photos des indignées et s’en servira pour… se masturber…
Toute cette histoire m’a fait réfléchir sur la radicalisation des débats sur les réseaux sociaux comme le souligne ce blogueur :
« Aujourd’hui, TV, radio, internet, réseaux sociaux, mobile… L’information est permanente, on n’y échappe pas. Pourtant Il faut être aveugle pour ne pas voir les tensions séparatistes qui traversent la société française. On les observe à travers des mouvements aussi variés qu’hétérogènes : les bonnets rouges, les Dieudonnistes (et son cortège “d’anti-systèmes”), les partisans du mariage pour tous, les frondeurs anti NDDL, les ouvriers frontistes… »
Au-delà de cet aspect, ce qui me dérangeait dès le départ avec la mobilisation des femmes, c’était cette espèce de « suivisme moutonnier » comme on dit, où plusieurs ont posté des photos d’elles-mêmes sans trop se poser la question de leur future utilisation et de la récupération dont elles s’exposaient.

Facebook n’est que Facebook chères amies. Et Twitter n’est que Twitter. Il faut évidemment se mobiliser, manifester, mais jusqu’où faut-il aller? Je ne condamne pas l’acte en soi qui est d’un courage incomparable. Mais je demande à ce que nous puissions débattre sur les limites et les risques d’une grande exposition sur les réseaux sociaux.
Ce qui encore plus choquant c’est de voir la facilité avec laquelle certaines personnes peuvent nuire sur Internet. Les limites de la législation sur Internet apparaissent clairement – je prépare un billet sur cette question. Cliquez sur ce lien pour voir comment une photo peut être utilisée par des imbéciles et des fascistes et apprenez à vous protéger.
La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que la police fédérale a été actionnée pour retrouver le responsable de cette page Facebook qui ne cesse d’avoir des nouveaux abonnés.
Commentaires