Ma voisine comme en 1980
Mon père a fait ses études en France. A Bordeaux plus précisément où il obtint un master en exploitation aéronautique et un doctorat en mathématique. Entre deux ou trois conversations qu’on avait, il me raconta l’histoire de ses voisins qu’il ne rencontrait que lorsqu’il descendait prendre son courrier. C’était dans les années 1980.
A l’époque, Jacques Chirac n’était pas encore président et son discours politique penchait plutôt vers l’extrême droite, pas trop favorable à l’immigration, très critique par rapport aux emplois pour étrangers venus « manger le pain des gentils français ».
Et donc, mon père ne connaissait pas du tout ses voisins même s’ils résidaient dans le même immeuble depuis des années. Mais en ces temps là, l’une des raisons de cette indifférence entre voisins était aussi le racisme. Contrairement aux idées réçues la France n’a pas une si grande histoire d’immigration comme les Etats Unis, le Canada, le Brésil ou l’Australie.
Moi je ne vis pas en France, moins encore dans cette décennie ultralibérale et raciste. Mais c’est étrange comme certains faits sont atemporels et transcendent les lieux.
Je reviens toujours sur les cours que je suis ici, alors voilà. Dans mon cours de Sociologie du travail, il y a une assistante de professeur qui ne doit pas avoir plus de 23 ans; elle est pourtant très brillante au point où j’en suis moi-même impressionné. Elle maîtrise bien son sujet malgré le fait d’être très jeune et timide.
Ça fait bientôt cinq mois qu’on se voit chaque semaine pour ce cours sans que l’on ne se parle vraiment. Hier soir, j’étais au garage qui se trouve dans mon condomínio ; je parlais avec un ami au téléphone quand je la (l’assistante) vois rentrer dans l’immeuble. Très surpris je lui demande ce qu’elle y faisait, si elle visitait un ami, et à ma plus grande surprise encore elle me dit: « non, j’habite ici…«
Mon Dieu! Je lui demande depuis combien de temps, alors là c’est le coup qui m’a mis à terre: « depuis une année déjà.«
Mais enfin… et depuis tout ce temps, c’est maintenant qu’on se voit? Et dire qu’on « étudie ensemble ».
Il ne s’agit pas ici de racisme, mais uniquement d’une indifférence généralisée dans laquelle nous vivons.
C’est une gentille fille qui est simplement très timide. Mais je me demande dans quelle société on vit… 1980 est loin derrière nous et la France de Chirac est révolue, mais les vieilles – et mauvaises – habitudes s’exportent facilement, et nous sommes tous coupables.
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