Carnaval brésilien: le jour des noirs est arrivé
La semaine du carvanal brésilien est passée, l’occasion pour moi de revenir sur la parfaite harmonie qui symbolise cette époque de l’année. Pour un temps, on oublie les querelles, les disputes, le mensalão (cliquez sur recherche), le banditisme noir et le spectre troublant des favelas. Le carnaval est là, tout va bien!
C’est vraiment quand apparaît la dite démocratie raciale de Gilberto Freyre (pardonnez mon insistance sur cet homme prestigieux) et alors les médias acceptent de montrer au monde le métissage de la nation, mais pas que cela: on se permet d’exhiber la pureté de la culture noire.
Durant toute l’année, les télénovelas rechignent à accepter les ordonnances légales qui les obligent à respecter – et montrer – la diversité raciale du pays ; il faut que les feuilletons soient représentatifs de la multiplicité ethnique brésilienne. On doit pouvoir y reconnaitre l’essence métissée de la culture brazuca. Néanmoins, entre le mois de mars et de janvier, la télévision hésite à rompre les stéréotypes. Elle reproduit une idéologie de la domination blanche.
L’excellent film de Sérgio Bianchi “Quanto vale ou é por quilo” illustre parfaitement les implications politiques de la représentation raciale dans la dramaturgie nationale.
– Ecoute, je ne persécute pas les noirs, j’embauche des gens compétents sans considérer leur race ou leur âge.
– Ça veut dire qu’aussi longtemps qu’une loi ne sera pas voté tu continueras à résister et n’embauchera pas de noir?
– Comment ça résister, comment ça résister? Paye-moi et j’en embaucherai autant que tu voudras. N’es-tu pas en train de travailler ici aujourd’hui Ne suis-je pas en train de choisir minutieusement les gamins les plus noirs pour le film? Donc, tu as payé et tu as gagné. Aujourd’hui, sur ce set black is beautiful. Bira, appelle le maquillage, je veux tout le monde ici peint en noir.
Février, mois du carnaval. C’est la samba qu’il faut célébrer, le pays tout entier est frappé d’une amnésie collective pendant laquelle on oublie tout ce qui divise.
Au coeur des sambódromos les noirs défilent, dansent, chantent, à moitié nus – ou habillés, c’est selon. Je ne suis pas un puritain, loin de là, mais je vous décris ce qui se passe pendant le carnaval brésilien.

Mais j’adore ce beau carnaval et je suis même un incorrigible de la samba, ce rythme musical qui touche le fond de mon être. Mais quand Zeca Pagodinho, l’un des plus importants sambistas du pays – résident à Rio de Janeiro – fait le constat de la décadence du carnaval, alors on s’inquiète.
De Vitória à Rio de Janeiro, de São Paulo à Manaus ou João Pessoa, c’est le même engouement. Des millions de noirs font des économies durant toute l’année pour défiler sur le sambódromo de Niemeyer, l’année fut dure mais la fin en vaut la peine.

Soyons sérieux, le carnaval est juste une grosse fête noire pour amuser je ne sais qui.
On peut inverser les rôles, chanter le syncrétisme social, se réconcilier avec l’histoire en contant les injustices de l’esclavagisme, pourquoi pas. Ça ne dérange personne, on interprète un rôle. c’est un théâtre, en somme.
Passons les détails des thèmes du carnaval, ils sont tellement variables. Passons aussi sur la compétitivité qui coûte des millions de reais aux écoles de samba décidées à remporter le championnat.
Dansez donc mes amis, puisque demain la vie reprendra son cours… Aujourd’hui, c’est le jour des noirs. Ô, l’ivresse collective!
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