Manny Pacquiao est-il plus influent que Dilma Rousseff ?
Il est une idée reçue (appelons cela comme ça) qui veut que l’Indonésie soit l’une des plus grandes démocraties du monde. Un immense pays qui se distingue en Asie par sa stabilité politique et par l’alternance au pouvoir. Pourtant, ce pays est loin, très loin, de l’idée que je me fais de la démocratie.
Pour s’en convaincre, regardons seulement un cas que je connais assez bien pour l’avoir traité dans un article académique, celui du génocide de 1965 magnifiquement porté sur écran par Joshua Oppenheimer dans un documentaire absolument fascinant… On y comprend assez rapidement que l’Indonésie est en réalité le pays de l’impunité ou de la justice pour certains. Sacrée démocratie en effet !
Oui, je me permets l’emploi de ces superlatifs pour parler de The Act of Killing, sublime fresque cinématographique située entre le fantastique, le moralisme performatif et le réalisme. Le destin d’Anwar Congo est à découvrir ici :
Mais revenons donc sur le champion philippin Manny Pacquiao… et sur Dilma Rousseff.
Le Brésil et l’Indonésie traversent une période trouble de leur relation. Tout commence avec l’annonce par les médias brésiliens que leur compatriote, Rodrigo Gularte, arrêté pour trafic de drogue en Indonésie sera exécuté : jour et date sont fixés, le pays reste en alerte en attendant une réaction de madame Rousseff. L’occasion pour elle de montrer qu’elle a « la main ferme ».
Dilma Rousseff demande alors au gouvernement indonésien d’épargner la vie de son compatriote. C’est vrai quoi, on n’exécute pas un citoyen brésilien impunément. Quand même.
Eh ben, si. Au diable l’orgueil national des Brésiliens qui se voyaient un peu trop beaux sur la scène internationale. Rodrigo Gularte sera exécuté le 28 avril 2015 non sans avoir laissé une vidéo diffusée par les médias sur lequel on le voit demander pardon à sa mère. Le fils a péché, mais une mère pardonne. Et pourtant, il sera exécuté. Dilma Rousseff, zéro.
Cette semaine, une autre affaire attire mon attention sur Marca.com, un site d’ intox informations sportives en Espagne: Manny Pacquiao, the freak – mais oui, une aberration – demande la clémence du président indonésien en faveur d’une compatriote Mary Jane Veloso elle aussi condamnée à mort. A croire que l’Indonésie veut inventer un nouveau soft power basé sur l’exécution des citoyens étrangers…
Miracle. Le président indonésien promet d’intercéder auprès des autorités judiciaires alors qu’il n’avait pas bronché face aux menaces de Dilma Rousseff de rappeler son ambassadeur. Et bim, une nouvelle claque pour Dilma.
C’est vrai que ce n’est pas tous les jours qu’un champion de boxe en phase de participer au combat du siècle – à ne pas confondre avec le vrai combat du siècle entre Mohamed Ali et Joe Frasier – intervient publiquement en faveur de la vie d’une femme condamnée à mourir. C’est une sacrée publicité pour l’Indonésie.
C’est donc aussi que la voix de Pacquiao vaut mille fois celle de Dilma Rousseff. Il serait peut-être temps que Forbes revoie sa liste des personnalités les plus influentes du monde.
Il y a des jours où on a franchement envie de faire de la boxe…
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P.S : Mary Jane Veleso a obtenu un sursis ce mardi 28 avril 2015
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Billet actualisé le 28/04/2015 à 16 h1 5 heure de Brasília
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