8 février 2015

Robert Kidiaba, l’idole d’un club aux supporters racistes?

Cher Roberto,  puisque c’est comme ça qu’on t’appellera bientôt si tu décides, comme on peut le lire dans des médias sérieux, de venir faire un pige de quelques mois à Porto Alegre au sein du club azul de Grêmio. Sais-tu au moins dans quelle galère tu t’enfonces? As-tu été bien conseillé? Je sais bien que les sportifs congolais ne sont pas réputés pour avoir des bons souffleurs de sagesse accrochés à leurs oreilles, mais j’insiste: sais-tu dans quelle galère tu entres?

Tu sais « Roberto », lorsqu’en 2010, ton équipe le TP Mazembe a humilié l’Internacional de Porto Alegre, frère ennemi du Grêmio, on n’imaginait pas que tu deviendrais par la même occasion l’idole d’un des plus grands clubs de football d’Amérique latine (évidemment, après mon eterno Corinthians…).

Les Colorados [à cause de leur uniforme rouge] – oui, c’est comme ça qu’on appelle les supporters d’Internacional – te détestent. Ils te détesteront encore plus si tu décides de signer au Grémio, l’éternel rival. Le frère ennemi donc, comme je le disais.

Et laisse- moi te dire, « Roberto », que tu as choisi le mauvais frère. Dans cette affaire de pige que l’on annonce… que dis-je, que tu annonces toi-même sur Whatsapp, il me semble que ton rêve pourrait vite se transformer en cauchemar.

Car, mon cher compatriote, tu t’apprêtes à signer pour un club dont les supporters sont réputés racistes.

Sais-tu par exemple, qu’ Aranha, gardien de but de Santos, le club formateur de Neymar et Pelé, a connu sur la pelouse du nouveau Arena Grémio, le pire moment de sa carrière, lorsque des supporters l’ont pris à partie à cause de la couleur de sa peau? [VIDEO]

Et laisse-moi te dire, cher « Roberto », qu’Aranha n’est pas plus « clair » que toi. Ou plutôt que toi, tu n’es pas plus « clair » que lui. Certes beaucoup de Noirs ont joué pour Grémio, Ronaldinho est le plus connu des tous, Zé Roberto (tiens, vous portez le même prénom, c’est peut-être un signe du destin) en est un autre. Mais à Porto Alegre, il n’est jamais facile d’être Noir.

Ok, j’apprends aussi que tu aimes beaucoup Gramado, cette petite ville du sud que l’on nomme A Alemanha do Brasil [l’Allemagne du Brésil en portugais], mais tout de même, tu n’auras pas la vie facile là-bas. Quand bien même tu y rencontrerais beaucoup de Congolais; j’en connais personnellement, je pourrais même te les présenter si tu le souhaites.

Voilà, en 2010, tu as ridiculisé le grand Internacional, le club formateur de Pato. A chaque occasion qui se présente, les Colorados souffrent d’entendre leurs rivaux prononcer ton nom : « Kidiaba ». Ce rappel que la défaite en Coupe du monde des clubs fut la plus grande humiliation de l’histoire sportive du Brésil. Enfin, ça, c’était avant le fameux 7-1 importé directement chez nos amis allemands

Mais, ne parlons pas de ce qui pourrait nous faire du mal. La blessure n’ayant toujours pas cicatrisé…

Tu n’as jamais évolué au Brésil, mais ici tout le monde te respecte. Alors pourquoi risquer de briser ce mythe lointain ? Ton nom évoque une danse, celle des fesses – sacrés abdominaux mon cher Kidiaba-, souhaitons qu’il entre un jour dans les dictionnaires du monde entier, un peu comme le verbe « Zlataner« . Les générations futures diront ainsi : « Celui-ci a fait une kidiaba », « celle-là est une spécialiste de la kidiaba ».

Reste « chez nous » Kidiaba. Profite de ta retraite, ne viens pas au Grémio, car ses supporters ne te méritent pas. Encore moins ses dirigeants. Un ancien président du club n’a-t-il pas déclaré que « les chants racistes faisaient partie du folklore du football »? Et tu sais bien que dans le football, les traditions ont la peau dure…

Cher « Roberto », je vais m’arrêter ici, pour te laisser fêter cette belle victoire sur nos frères équato-guinéens avec lesquels je suis solidaire suite à la vague raciste dont ils sont aussi victimes à cause des violences du match contre le Ghana…

De ton côté, pense bien, cher Robert Kidiaba. Ce succès qui est le tien, mérite-t-il d’être confronté à l’implacable racisme d’une bonne partie du public de Grémio?

Et si par hasard tu décidais de venir malgré mes avertissements, rassure-toi, il y a au moins une chose que tu auras le bonheur, j’en suis sûr, de connaitre, la fameuse avalanche des supporters du Grémio. C’est une sorte de danse synchronisée exécutée dans les tribunes que l’ont peut voir chaque fois que cette équipe marque un but… juge plutôt:

Bises…

@sk_serge 

 

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Commentaires

Guy Muyembe
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Il veut venir au bresil? Je n'étais au courant de rien.

Abdoulaye Bah
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Très sympathique lettre! Mais, si les sportifs et les artistes noirs de tout bord avaient tenu compte des sentiments d'une partie du public, le racisme aurait-il été marginalisé un partout dans le monde? Si Barack Hussein Obama est aujourd'hui Président des USA, on oublie souvent de souligner le rôle qu'ont joué des personnalités comme Armstrong, James Brown, Mahalia Jackson, Nina Simone, Mohamed Ali, etc. pour l'émancipation de leurs frères de race. Dans cette lutte, leurs performances n'ont pas été inférieures à celles des hommes politiques les plus célèbres.

J'espère, donc, que notre cher Robert Kidiaba va lire votre lettre pour y trouver encore plus de motivation pour aller faire sa sympathique démonstration de puissance abdominale du coté de "A Alemanha do Brasil" pour continuer la fabuleuse histoire de Jessie Owens, face au tristement célèbre autrichien devenu dictateur allemand, dont je répugne à prononcer le nom comme celui du premier président de mon pays, la Guinée.

Serge
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Je suis complètement d'accord avec votre lecture sur les grands artistes qui ont contribué à l'émancipation des noirs en Amérique du Nord. J'écoute "Strange Fruits" de Billie Holiday et j'en ai les larmes aux yeux... l'une des chansons les plus importantes du siècle dernier.
Espérons de la chance à Kidiaba, il le mérite largement ... et aussi quelques dollars de plus ;)

Ecclésiaste Deudjui
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salut Sergi! C'est pas pour te rendre la politesse, mais je tenais à te dire bravo pour ton brésiliannisme. Tu es une bonne taupe pour nous permettre de comprendre cette société sud-américaine métissée. J'ai surtout adoré les 5 choses à ne pas dire pendant le carnaval...

Serge
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Ah ah, merci... tu connais le brésillianisme? ah ce billet.