19 juillet 2014

Vol MH17: Don’t cry for me

https://pt.wikipedia.org/wiki/Anexo:Lista_de_acidentes_a%C3%A9reos#mediaviewer/Ficheiro:Crash_Turkish_Airlines_TK_1951_plane_engine_2.jpg
Des débris d’un avion de la Turkish Airlines, crédit: Radio Nederland W. / wikimedia commons

Il y a vraiment quelque chose de dérangeant dans notre époque. Des fois, je souhaiterais vivre dans une autre période l’histoire, moins hypocritique. Une époque où le cynisme ne serait pas la première règle morale de la société. Peut-être ne l’avez-vous pas noté, mais depuis jeudi, un seul sujet occupe notre esprit (consciemment ou inconsciemment): le crash du Vol MH17.

C’est vrai qu’on n’entend pas tous les jours aux infos de 20 heures qu‘un missile a atteint un avion en plein vol. Sans vouloir paraître moi-même cynique, c’est le scénario idéal pour un film de Steven Spielberg considérant que le réalisateur américain a déjà filmé Munichwait and see.

Sans doute, l’attentat contre cet avion qui transportait, en grande majorité, des Hollandais est une vraie catastrophe, mais n’en fait-on pas un peu trop dans les médias?

Je m’explique. Hier, j’accède à ma page Facebook, et je tombe sur un article publié par un ami brésilien, le titre m’interpelle : « La cure du Sida était peut-être dans l’avion… ». Alors là, je suis choqué.

Je me dis alors que nous sommes, de toute évidence, les victimes consentantes d’un chantage émotionnel à l’échelle planétaire; les médias font dans la surenchère pour savoir lequel arrivera plus que les autres à nous émouvoir.

Chose curieuse aussi, la guerre à Gaza n’est plus l’information principale des chaînes de télévision et des journaux à travers le monde. Après tout, la guerre palestino-israélienne, on en a droit tous les ans; même les intifadas n’effrayent plus autant puisqu’elles arrivent à intervalle plus ou moins régulier…

En gros, en une semaine, nous avons eu droit, à la fois, à la sempiternelle crise israélo-palestinienne (j’inverse le néologisme pour être équitable) qui en lasse déjà plus d’un, mais aussi à ce crash d’avion en Ukraine.

Pour nous, pauvres mortels impuissants, la seule chose à faire maintenant c’est de bien canaliser nos émotions pour l’une ou l’autre « cause ». Personne ne sera sensibilisé de la même manière par les deux évènements, soyons réalistes.

Si bien que vendredi soir, je vérifie cette information selon laquelle un chercheur spécialiste du VIH était bien dans le vol MH17.

L’hypocrisie n’a pas de limites… On nous présente cet homme, Joep Lange, comme le « sauveur » de l’humanité, parce qu’il détenait le « savoir », ou l’expertise nécessaire à la lutte contre le VIH. A Gaza, j’imagine bien qu’il n’y a aucun « spécialiste », donc les centaines de morts palestiniens sont moins importants. Il n’y a que moi que ça choque?

Nous vivons une semaine typique de ce que le sociologue français Luc Boltanski appelle la « fatigue morale » ou the distant suffering, si vous préférez [PDF en anglais].

Et pour couronner le tout, un ami me fait remarquer que non seulement on nous bombarde à coup d’informations sur l’Ukraine et/ou Gaza, mais en plus on doit se contenter d’un profond silence sur l’éternelle crise sécuritaire en RDC… là aussi, il y a eu 5 millions de morts depuis 1998. Vous avez dit chantage émotionnel ?

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Commentaires

Jule
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Je partage totalement le coup de gueule. Merci pour le post et surtout le lien vers Boltanski. Bises berlinoises

Serge
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:) pour Boltansk... énorme le monsieur! Ici, j'ai accÈs à ses livres en Anglais et pas en français.