7 février 2014

“Adopte un bandit”, quand une journaliste dérape

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wikkimedia commons, CC

J’aime autant que je déteste le journalisme. Cela vient du fait que ce métier est pratiqué à la fois avec la plus grande responsabilité, mais aussi dans l’irresponsabilité la plus absurde. C’est le cas d’une journaliste brésilienne qui a déclenché l’indignation des internautes aussi bien que des associations de défense de droit de l’homme suite à des déclarations manifestement racistes et élitistes.

Avant d’avancer, cliquez sur ce LIEN pour voir la photo qui motive la polémique.

Rachel Sheherazade est originaire de l’Etat de Paraíba où elle a fait ses débuts en journalisme avant d’être remarquée par le patron du groupe SBT, Sílvio Santos, milliardaire et icône des médias. L’histoire de ce dernier est un véritable roman vu qu’il a commencé en tant que vendeur ambulant avant de faire fortune dans les affaires et de fonder la banque PanAmericano.

Sílvio Santos est adulé par la population et aussi par ses pairs, ce qui lui donne une espèce d’autorité morale qui se transfère sur tous ceux qui sont adoubés par sa grâce.

C’est ainsi que depuis trois ans, cette simple journaliste qui avait commencé à João Pessoa est devenue une éditorialiste des plus respectée et influente du pays. Tous les soirs, pendant le journal de SBT, trois minutes lui sont consacrées pendant lesquelles elle livre son opinion sur un sujet d’actualité.

Ses thèmes souvent variés peuvent aller de Justin Bieber à la politique énergétique du gouvernement Dilma en passant par une critique acerbe du carnaval brésilien.

C’est d’ailleurs grâce à une sanglante critique contre la culture bourgeoise qui domine désormais l’organisation du carnaval (originellement à vocation populaire) qu’elle se fera une renommée nationale.

Et si le succès monte souvent à la tête du plus charmant d’entre nous, c’est effectivement ce qui arrive à Rachel Sheherazade qui n’en finit plus de choquer l’opinion.

Lors de ce que l’on considère comme l’une des sorties médiatiques les plus polémiques de ces dernières années, la belle journaliste exonère les habitants d’un quartier riche de Rio de Janeiro après que ceux-ci ont torturé un jeune Noir accusé de vol…

Alors que le pays tout entier est choqué à la suite d’images divulguées sur les réseaux sociaux et à la télévision où l’on peut voir le jeune Noir se faire lyncher puis attaché nu à un poteau dans le quartier de Flamengo, voilà que dans son éditorial Rachel Sheherazade défend cet acte populaire, désespéré et odieux.

Pour l’éditorialiste, la population a le droit de se faire justice lorsque le pouvoir de l’Etat est incapable de répondre à la violence urbaine. Elle rappelle encore que le prétendu voleur a sûrement une fiche criminelle longue comme le marathon de Boston, “c’est pourquoi ce dernier n’a d’ailleurs pas porté plainte contre ses bourreaux”.

La torture est donc justifiée et défendable.

L’association des journalistes brésiliens publie alors une note dans laquelle elle condamne le discours violent de la journaliste qui demandait à ses détracteurs de, je cite : “Faire une faveur au Brésil en adoptant un bandit…”. Une formule choc qui rentrera définitivement dans l’histoire de la télévision gratuite.

Liberté d’expression ou incitation à la violence, voire au meurtre?

La question n’est pas simple, spécialement à la lecture du philosophe belge Raoul Vaneigem auteur du livre Rien n’est sacré, tout peut se dire : réflexions sur la liberté d’expression qui est l’un des traités les plus radicaux jamais écrits contre la censure.

Dans son ouvrage, Vaneigem souhaite, par exemple, que le crime d’opinion soit aboli.

Le débat est lancé, car en plus, ladite journaliste trouve elle aussi des défenseurs au sein de l’ opinion publique.

Pour en avoir discuté avec plusieurs personnes, j’ai pu constater qu’une partie de la population est insatisfaite de l’augmentation de la violence même dans les “régions traditionnellement sûres”. La colère est plus grande d’autant plus qu’on s’approche de la Coupe du Monde… tous les sentiments sont multipliés par dix.

On apprend enfin que le PSOL, parti politique situé à “gauche de la gauche” engagera des poursuites judiciaires contre la journaliste vedette.

L’épisode Rachel Sheherazade m’a rappelé à quel point le journalisme est un métier délicat qui demande de chacun qu’il soit responsable, car même si l’on travaille pour un média privé, l’espace que l’on utilise pour véhiculer ses idées appartient nécessairement à la sphère publique.

P.S : Françoise Giroud : « Dans la presse il ne faut pas être sensible à l’opinion publique. Si l’on commence à faire ce que les gens veulent – et on ne sait pas ce qu’ils veulent – , c’est une forme de corruption. Il faut faire ce que l’on croit. » 

 

 

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Commentaires

Malko Francis.
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La liberter d'expretion n'est une libertinage;

Serge
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je suis bien d'accord avec vous...

bouba68
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Avant d'être journaliste elle est d'abord un humain. Ce qui la prive de toute possibilité de justifier le lynchage d'un autre humain.

Aurore
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Mais quelle honte !

Berliniquais
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Je ne suis pas allé voir les images du lynchage. Je te fais confiance. Les masques tombent! C'est vraiment un scandale ces propos...

DEBELLAHI
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Il y a des gens qui s'arrogent le monopole de la vérité et le privilège de priver les autres de leur dignité et de leurs droits. S'ils se mettaient, ne serait-ce qu'un instant, à la place de ces "autres" ? Merci pour ce témoignage.

Serge
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Selon plusieurs sites, le patron de la chaine aurait décidé de remplacer la journaliste apres la mauvaise répercussion de l'affaire sur les réseaux sociaux qui a bien terni l'image de SBT

josianekouagheu
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Tu sais Serge je vois avant tout une raciste en elle. Elle est journaliste c'est vrai, mais, elle agit comme une raciste. Comme Bouba l'a rappelé, avant d'être jjournaliste, on est d'abord humain! Et le patron de la chaine a bien fait en remplaçant cette journaliste.