Dur, dur à Rio de Janeiro
Les africains rêvent tous d’aller en Europe ou en Amérique, et depuis quelques temps, le nouveau status du Brésil en a fait le nouvel El dorado des jeunes du vieux continent. Si à priori, ils s’attendent à vite rouler dans des grosses cylindrées, ils sont également nombreux à se casser le nez face à la dure réalité de la vie au Brésil.
Ce mois de juillet, un jeune étudiant béninois venu dans le cadre du programme d’étudiants PEC-G dirigé aux étudiants des pays en voie de développement a posté une video sur youtube dans laquelle il raconte des déboires cariocas.
Il y a évidemment du vrai et du faux dans ce qu’il dit, essayons donc de décrypter tout cela. Il me semble que les difficultés auxquelles le programme expose ces jeunes africains se doivent premièrement au contexte de la création de cet instrument d’integration afro-bréislien. Le programme a été créé à la fin des années 1990 (Protocole en pdf) au moment où l’Amérique Latine traversait l’une de ses plus grandes crises économiques, on se souvient du cas extrême de l’Argentine. Et par conséquent, le gouvernement brésilien, co-signataire avec ses différents organes fédéraux du Protocole qui régit la vie des étudiants PEC-G au Brésil, s’est dédouané (à l’époque) de toute responsabilité quant au maintient des étudiants étrangers.
Il existe ici deux contradictions: la première est relative au fait que le programme concerne les étudiants « pauvres » des pays en voie de développement, mais en même temps il est convenu dans le protocole – également signé par nos pays – que chaque étudiant se prend en charge dès son arrivé au Brésil.
Deuxièmement, l’organisation même des institutions brésiliennes augmente ces difficultés et fait que chaque Etat est un cas particulier. En effet, le fédéralisme fait que chaque Université Fédérale est autonome et donc ne repond que partiellement à Brasília. Il arrive donc qu’une université au Sudeste offre des logements aux étudiants africains et qu’au centre du pays il n’en soit pas ainsi.
Le problème se situe également en Afrique lorsque les étudiants se préparent à venir étudier. Les informations qui leur sont fournies sont trop partielles et parfois occultent certaines réalités, comme par exemple le fait que le Brésil n’offre pas de bourse d’études au niveau de la licence (en master et doctorat, oui), mais qu’il s’agit ici de place dans une faculté du choix de l’étudiant. Une fois que l’étudiant arrive, il peut briguer à plusieurs bourses, néanmoins cela n’est possible qu’après le premier semestre des cours. Et encore, il convient d’établir une différence à ce niveau.
Tous les étudiants provenant des pays non- lusophones doivent passer une année à étudier le portugais, ensuite ils se soumettent à une épreuve nationale (Celpe-Bras) qui est l’équivalent du TOEFL.
Ce qui veut dire en pratique que l’étudiant francophone ou anglophone ne pourra prétendre à une bourse d’études qu’après une année et démie. Pendant toute cette période intiale, il est (en thèse) à la charge de sa famille. Ajoutons que celui qui échoue à l’épreuve doit rentrer dans son pays, mais combien d’africains sont capables de retourner dans leurs pays une fois qu’ils sont arrivés en Amérique?
Comme je l’ai dit, chaque Etat est un cas à part. La vie est par exemple plus chère à Rio de Janeiro et São Paulo qu’à Fortaleza ou João Pessoa. Ceux qui sont attirés par l’enchantement de la ville carioca peuvent très vite se rendre compte que survivre sans bourse à Rio de Janeiro est quasi impossible, cela relève pratiquement du miracle.
Il y a par ailleurs très peu d’accompagnement, hormis certaines universités comme l’UFF (Universidade Federal de Fluminense, à Niteroi/RJ). Il y a déjà eu des cas de décès d’étudiants africains au Brésil parce que les conditions ne sont pas réunies pour faciliter l’adaptation des jeunes qui immigrent très tôt, à 21 ans ou moins. Cette année (encore) une jeune fille du Nigéria est décédée de suite d’une maladie diagnostiquée trop tard.
Le jeune étudiants béninois a donc raison quand il critique l’irresponsabilité des autorités des différents pays impliqués dans le programme. On a parfois l’impression que tout est question d’accords économiques à un niveau supérieur, mais comme il dit lui-même dans la video: « pour dire vrai, ici c’est pas la merde, non plus ».
https://www.youtube.com/watch?v=6eRi_QhPpyI
Il y a beaucoup d’étudiants qui terminent leur cours, mais le taux d’évasion est très élevé surtout parmis les étudiants non-lusophones.
Les étudiants étrangers ne peuvent pas travailler non plus, cela rend encore les choses plus difficiles pour ces jeunes. C’est pourquoi le jeune béninois tranche sur une note de pessimisme: « si tes parents n’ont pas d’argents et si tu n’es pas un peu intelligent, t’es foutu ».
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