Un noir en Afrique ne sait pas qu’il est noir
J’ai participé tout récemment à une conférence sur les études politiques d’aujourd’hui, en présence d’une poignée de professeurs de science politique; l’un d’eux est spécialiste en affirmatives actions.
Entre autres sujets nous avons abordé le thème des inégalités sociales et raciales.
Pour l’occasion, je me suis mis à refléchir sur la condition des noirs dans le monde, et à bien y penser on découvre une disparité de conceptions même entre plusieurs pays d’un même continent. Le Mali et l’Afrique du Sud n’affrontent pas la question raciale à partir des paramètres égaux. Cuba et le Brésil non plus. J’ai donc fait une comparaison au cas par cas.
A Cuba par exemple, un pays que je défend souvent lorsque j’ en discute avec mes amis et mes collègues, on ne peut s’empêcher de constater une réalité brutale: l’élite du parti est essentiellement blanche, en dépis des efforts de Raul Castro de garantir une certaine représentativité des noirs dans les futures institutions de l’île.
Un autre aspect intéressant, c’est bien entendu le massacre de Marikana en Afrique du Sud. Alors là, on est devant un cas atypique où dans un contexte post-apartheid, une élite noire installe peu à peu une domination sur une population noire maintenue, pour la plus part, dans la pauvrété.
En Afrique du Sud, les politiques de discriminations positives donnent des résultats paradoxaux, avec de nouvelles formes de ségrégation. C’est sous cette optique que certains observateurs comprennent le massacre de Marikana.
J’ai connu pas mal d’angolais au Brésil – ils sont cousins en fait – , et je n’ai pas manqué d’observer un conflit éthnique latant entre eux, notamment à cause des différences économiques qui apparaissaient en fonction de leurs races si je puis dire.
En fait, c’est délicat de poser le problème en ces termes. L’Angola est l’un des rares pays africains où la question éthnique se pose clairement, comme au Mali avec l’émergence de la problématique touareg.
Au Brésil, les associations pró-noirs si on doit les appeller ainsi (de façon vulgaire quand même) sont de plus en plus nombreuses, il y a une réelle tentative de reprendre ce que les mouvements pour la lutte en faveur des droits civiques ont réalisé aux Etats-Unis. Le débat politique s’est donc polarisé; à tous les niveaux on réclame une parité éthnique, et c’est tant mieux pour la démocratie.
Une étude récente explique que la race a une influence très importante dans la vie des individus, 63,7 % des brésiliens le reconnaissent selon l’IBGE.
Par contre un africain qui vit en Afrique a difficilement une perception de lui-même en fonction de sa race.
Je ne sais pas à quel point cela est négatif ou positif pour le développement d’une conscience politique chez les africains, y compris dans leur façon de faire des accords avec les pays occidentaux.
Ce n’est pas étonnant que les premières études post-coloniales soient nées des africains expatriés, des diasporas noirs en Europe ou aux Etats-Unis (Stuart Hill, Paul Gilroy, Appiah, etc).
Chez nous en Afrique on doit encore faire face au récurrent problème du tribalisme.
Personnellement, j’ai pris conscience de ma race en cotôyant des blancs et en vivant dans une société marquée par le racisme, même s’il est camoufflé ici.
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